Le « temps attendu » est un billet à  thème que ce cher Aymeric Pontier m’a assigné à  rédiger il y a fort longtemps. Si l’humble alcidé, que je suis avait été un être humain, il aurait probablement passé la majeure partie de son temps à  imiter le personnage principal de la série télévisée Code Quantum ((Quantum leap en version originale)) , mais il en est tout autrement et Aymeric a parfaitement le droit de savoir ce qu’un alcidé comme moi ferait d’une machine à  voyager dans le temps.

Monsieur Pingouin aurait donc l’honneur de devenir un passager du temps. La compagnie qu’il emprunterait à  cet effet ne porterait pas de nom parce qu’il s’agirait en réalité d’une mission de la plus haute importance, pour ne pas dire classée confidentielle. Toutefois, comme il est plus fidèle à  son lectorat qu’à  ceux qui lui auront confié cette tâche destinée à  laver l’honneur de son espèce ((Rassurez-vous immédiatement, en aucun cas il ne s’agit de nettoyage ethnique. C’est plutôt l’inverse, vous allez voir ! )) , il vous confiera de quoi il est question exactement, parce qu’en cas d’échec, les lâches concepteurs qui resteront sagement au chaud tandis qu’il fera le travail à  leur place nieront furtivement avoir eu vent de ses agissements.

Bref, ma mission puisque je l’accepterai, consistera à  me frayer un chemin à  travers les embouteillages temporels occasionnés par cette cohue de super personnages venus empêcher (et ceux venus provoquer) l’accession d’un maniaque des swastikas au pouvoir en 1933  ((Si vous en avez le temps, allez lire le billet de Tom Roud, vous comprendrez mieux de quoi je parle. )) , ou les autres impétueux œnologues partis vérifier si Jésus transformait vraiment l’eau en vin histoire de lui demander si malgré cette vinification hâtive la boisson miraculeusement créée pouvait malgré tout avoir le goût de bouchon. De toute façon, je ne me rendrai pas dans un passé suffisamment éloigné pour croiser ces illuminés-là . Qu’ils aillent plutôt rejoindre celles et ceux qui veulent vérifier le nombril d’Adam et àˆve ou commettre l’inceste avec l’un ou l’autre voire les deux à  la fois. Ces personnes-là  sont irresponsables puisqu’elles partent du principe qu’après elles, aura lieu inéluctablement le déluge, sauf si d’autres voyageurs décident du contraire avant elles.

Avec la précision que la technologie des petits pingouins aura pu commettre avec ses petites pattes palmées, j’arriverai donc à  destination à  peu près au début du XIXème siècle de votre ère, quelque part en Islande sur une île volcanique. Profitant d’une météo exécrable non pas due à  une éruption mais à  un peu de brouillard, je quitterai l’habitacle du génial prototype ovoïde qui m’aura été fourni pour la mission. La machine sera sublime, et on reconnaîtra à  l’ouvrage la patte habile des petits pingouins qui n’auront rien de manchots dans cette histoire. Cette merveille technologique devrait inspirer confiance tant à  mes congénères qu’à  mes lointains cousins qui vivaient à  cette époque. Grâce au temps qu’il fera si tout va bien, je serai à  l’abri de la curiosité des regards affamés des éventuels pêcheurs massacreurs de poissons et de pingouins toutes tailles confondues.

Oui, vous avez bien lu, il y aura encore à  l’époque à  laquelle je me serai rendu des pingouins d’une taille différente de la mienne. Cette espèce, celle des grands pingouins, ne sera pas encore éteinte, et je devrai convaincre quelques uns de ses enfants d’emprunter avec moi un long périple vers mon présent où ils pourront perpétuer leur espèce, car ce sera bien là  que le but de mon égoïste mission pourra prendre forme : définitivement rendre impossible la confusion entre les pingouins et les manchots sauf pour les personnes âgées, les enfants et les personnes mal-voyantes ou qui n’auraient pas encore pu s’offrir des moyens de correction visuelle. Tel est le temps attendu par mes congénères petits pingouins qui comme moi n’en peuvent plus de souffrir la comparaison avec ces pourtant très gentils et courageux oiseaux du pôle sud.

En attendant tout cela, il ne serait pas impossible que les grands pingouins que j’aurai contactés rivalisent entre eux de stratagèmes pour m’accompagner là  où règne un temps qui leur serait à  mon avis bien plus clément. ((La machine spatio-temporelle serait sans doute limitée en capacité d’accueil et toute la colonie de grands pingouins ne saurait monter à  bord. )) Quoi qu’il en soit, si je ne pouvais m’en retourner vers le présent, je tâcherai de fonder une belle lignée avec une des jeunes dames oiselles de cette période dont on raconte encore qu’elles étaient très frivoles et imaginatives les nuits d’hiver. En tout cas, les grands pingouins auraient alors au moins été prévenus et pourraient chercher un moyen de se mettre à  l’abri.

Ainsi, dans cette éventualité où mon retour ne serait pas possible, je prends soin maintenant de demander à  quelques blogueurs ce qu’ils auraient fait s’ils avaient eu à  leur disposition une pareille machine. De qui s’agit-il ? De l’historien Zorglub d’Ufol la Troisième qui pourrait profiter d’un tel appareil pour observer les us et coutumes du primitif peuple du royaume de France, du Chafouin qui aura toutes ses vacances pour composer, de Louis Lepioufle pour voir s’il changerait un événement géopolitique quelconque, de la puce, de Seb pour voir comment il réagirait et enfin de toute autre personne se sentant inspirée par cette histoire de voyage temporel. Ce temps-là  ne s’étant pas encore déroulé, il n’est pas interdit de ne pas répondre à  ce message de détresse encore inédit à  ce jour.