Qu’on me fiche la paix au Proche Orient !


Voilà  un message qui n’est pourtant pas compliqué à  comprendre, non ?
Vous l’aurez donc remarqué jusqu’à  il y a peu, c’était la guerre, la vraie, celle qui fait des morts et pas forcément comme à  l’école primaire où les enfants se relèvent et passent à  autre chose après avoir crié « Pan, Pan, Pan ! Je t’ai eu ! ». Où ça ? Dans la bande de Gaza, au bord de la Méditerranée, sur votre bonne vieille terre et même un peu en dessous à  une profondeur de 6 pieds sous terre.

Parmi certains de mes amis, il m’a été demandé si je comptais faire quelques jeux de mots au sujet de la situation au Proche Orient, voire de titrer quelque chose du genre « à‡a gaze autant à  Gaza qu’en Ukraine avec Gazprom. » ou « Plomb durci, oh oui ! » . J’ai renoncé. Oui, enfin, seulement à  employer ces titres. Cela aurait été trop racoleur et mon lectorat pourrait bien penser que monsieur Pingouin s’en moque, ce qui est faux puisqu’il chauffe justement son petit nid douillet au gaz. Comme quoi à  parler de paix dans ce petit bout de terre, on finit par se demander si elle n’est pas aussi puante que le gaz du même nom.

Parmi ces mêmes amis, mon cousin al Sideh m’a reproché de faire le mort sur ce blogue, en prétextant que d’autres personnes le faisaient mieux que moi et que je pourrais peut-être parler un peu d’elles. C’est vrai, on ne parle jamais assez des Birmans ou des malades du choléra au Zimbabwe, où l’espérance de vie qui peine à  atteindre les 34 ans semble bien prête à  s’abaisser un jour jusque sous le seuil de la majorité légale de 18 ans, ce qui nous permettra d’affirmer sans scrupule que la mort fait du détournement de mineurs.

J’ai l’impression d’être quelque peu hors sujet en écrivant ces lignes qui devraient concerner le Proche Orient. Peut-être parce que ce n’est pas pour jaboter, mais cela commence à  bien faire. Trêve de guerre et de cessez-le-feu, j’aimerais plus volontiers la paix – une paix entière au Proche Orient. Et cela demande tout simplement du courage politique, bien plus que des manifestations de larmes, de joie ou de haine.

En effet, dès qu’il est question de la Palestine, j’ai l’impression que les appareils médiatiques internationaux se contentent de relayer un torrent d’images et de déclarations relativement peu rationnelles et très peu mesurées. C’est ce que j’appelle appuyer sur la gazette, ensuite tout coule à  flot : pas seulement l’hémoglobine, la bêtise aussi. Ce que mes bipèdes préférés appellent l’information, lorsqu’elle est livrée sans explication, n’est pas une information mais une simple notification. Pourquoi ? Comment ? Sont deux questions auxquelles les correspondants télévisés ne semblent pas être capables de répondre dans le temps imparti de leur apparition ; c’est la presse fantôme qui hante la petite lucarne.

Pendant ces heures sombres et ce conflit de canards interposés, où chacun justifie ses moyens d’actions et propage ses idées, j’ai toujours trouvé décevant d’instrumentaliser la cause palestinienne pour qu’elle serve de déversoir au mécontentement des personnes qui se sentent opprimées. Profitez donc d’être dans la rue pour manifester votre mécontentement de ce qui vous tient réellement à  cœur et de ce qui fait que vous vous sentez lésés dans votre propre pays. Je comprends votre sentiment, celui qui pourrait vous pousser à  le régler au moyen de pilules bleues, dont la promotion par pourriel interposé s’interpose quotidiennement de façon indésirable entre les beaux courriels que vos amis vous envoient.

Pourtant j’avoue vouloir rester optimiste pour la suite des évènements. Certaines choses ont lentement changé et ce serait être médisant que de dire qu’il y a 60 ans, les Britanniques et les Américains étaient plus doués qu’aujourd’hui en matière de cessez-le-feu quand ils en obtinrent un à  la suite de la première guerre israélo-arabe entamée en 1948. Ce serait faux parce que les combats duraient depuis beaucoup plus longtemps que cette fois-ci, et qu’aujourd’hui ils ne concernent que des Israéliens et des Palestiniens, et que parmi les pays arabes, d’anciens belligérants comme l’Égypte, cherchent à  parvenir à  un accord viable entre les parties.

En ces temps reculés où le langage sms n’existait pas encore mais où l’incompréhension était déjà  plus que mutuelle, personne dans la région ne semblait avoir saisi en quoi consistait le partage de la Palestine, puisque nombre de pays concernés se firent un malin plaisir de la partager entre eux. Sans doute était-ce là  l’inavouable envie de briser l’ennui d’une vie plate et monotone au Proche Orient. En effet, ce n’est un secret pour personne, mais comme disent les habitants en Cisjordanie : « La Judée ça marrit. J’en ai vraiment une pâle estime. » . Voilà  sans doute pourquoi certains des belligérants prirent le loisir de devenir des forces d’occupation. ((La Jordanie annexant la Cisjordanie ainsi que Jérusalem ouest, l’Égypte s’installant durablement à  Gaza, tandis qu’Israël en profitait pour accroître durablement son territoire.)) L’homme des casernes a décidément de drôles de façons de passer son temps à  tuer autre chose que ses semblables.

À évoquer des bizarreries régionales, je ne passerai pas non plus sous silence l’étrange volonté israélienne de tenir absolument à  brandir les toiles de David partout sur son passage et notamment dans ses colonies. Pourquoi ? Parce que les œuvres de Jacques Louis David sont très bien où elles sont, c’est à  dire dans des musées.

Aujourd’hui si je vous dis que les choses vont mieux, vous allez me dire que je ne dois pas prêter une oreille attentive à  ces incursions intempestives et ultra-médiatisées, dont la violence disproportionnée ne m’a pas non plus échappé. Je vous dirais volontiers qu’il y a 60 ans, le mouvement nationaliste palestinien n’avait rien de viable, qu’il fallut près de 20 ans pour qu’un groupe se détache, le Fatah, fondé en exil au pays de l’excentricité capillaire ((Lire les couettes ou le Koweït.)) par un certain Yasser Arafat, et qu’il lui fallut plus de 20 autres années avant de reconnaître son voisin ((Et par là  même obligeant les autres États arabes à  reconnaître un État palestinien et donc faisant en sorte que ceux-ci cessent de tout négocier à  sa place.)) et de renoncer aux mauvaises méthodes qui ont associé son nom à  celui de la prise non pas de positions mais d’otages. Que de temps il aura fallu avant que tout cela ne change.

D’ailleurs depuis la première Intifada de 1987 ((Intifada signifierait selon mon cousin al Sideh la guerre des pierres, qui ne concerne aucun de mes pierres préférés : Dac, Desproges, ou Daninos, dont les initiales ont dû provoquer bien des moqueries. Dommage que l’Intifada n’ait pas eu un caractère lapidaire car les guerres ont bien cela de commun avec les plaisanteries, les plus courtes sont les meilleures. Au passage je soulignerai le pacifisme de ceux qui, au cours de cette première guerre des pierres, comme Paul et Jacques surent rester neutres.)) on compte un autre mouvement d’envergure, le Hamas, qui lui aussi a bien évolué depuis ses premières apparitions sur la scène internationale jusqu’à  sa victoire surprise aux élections législatives de 2006. ((En revanche, certaines de leurs méthodes jusqu’au-boutistes me laissent perplexe surtout concernant les attentats, dont mon libertinage fait que je préférerai sans doute qu’ils soient à  la pudeur, et qu’ils incarnent le droit de se faire sauter en tant que bombes sexuelles dans une explosion de joie. C’est à  mon avis une solution moins terne que l’on pourrait le croire, et qui fait état de plus d’éclat que celui de la détonation d’une vulgaire charge explosive, cependant ce n’est là  que mon humble opinion de pingouin ordinaire.))

Ceci dit, on ne me fera pas croire que le Hamas incarne le mieux la résistance. Ce n’est pas pour jaboter, mais il a fait dernièrement jeu égal avec le gouvernement israélien pour ce qui est de résister à  la signature d’un cessez-le-feu, et ce en dépit des appels incessants de Ban Ki-moon qui agitait la résolution 1860 dont les anti-américains primaires ne pourront pas dire qu’elle aura été euthanasiée, pardon je voulais dire une résolution contre laquelle on ne peut pas dire que les États-Unis aient fait valoir leur droit de véto.

Tant qu’à  parler de résistance, on pourrait citer celle de l’État hébreu à  s’occuper du retrait des territoires occupés dont l’ONU lui a pourtant dit dès 1967 que c’était défendu. C’est vrai qu’en y maintenant non seulement des colons mais également des troupes, on ne peut pas nier le caractère défendu de l’occupation de ces territoires, toutefois je m’interroge encore sur leur bonne interprétation de la chose.

Citons ensuite la communauté internationale et européenne qui, elle aussi, aura fait preuve de beaucoup de résistance notamment au versement des subsides après avoir été horrifiée par le résultat des dernières législatives palestiniennes. Il serait étonnant de dire que cette rupture ait pu aider en une quelconque manière à  faire respecter l’ordre tandis que l’on doit mettre en suspens la paye des fonctionnaires en charge d’assurer la sécurité.

Alors pourquoi revendiquer un certain optimisme à  l’heure où chacun réclame avoir remporté la victoire ? D’abord parce que le pessimisme me lasse, ensuite parce qu’il faudra du temps pour constater qu’il n’y a pas de victoire politique majeure à  engranger dans l’immédiat.

Le Hamas et Israël savent autant l’un que l’autre qu’ils sont indestructibles ou du moins qu’ils ne vont pas disparaître prochainement. L’armée israélienne a montré que ses incursions violemment disproportionnées n’avaient rien d’une partie de plaisir pour ceux chez qui elle s’invitait cordialement entre deux bombardements.

Ce n’est pas militairement que Tel Aviv fera plier le Hamas à  Gaza. ((Je ne me souviens pas avoir entendu Israël parler avec succès de la libération récente du soldat Gilad Shalit. Je ne vois pas non plus en quoi la destruction des tunnels enrayera à  jamais le problème de l’économie souterraine et de l’approvisionnement en armes du Hamas ; tant que la bande de Gaza sera sous embargo, on voit mal comment elle pourrait joindre autrement ses fournisseurs. Il n’y a plus rien à  prouver au sujet de la supériorité conventionnelle de Tsahal sinon que la leçon sud libanaise a été apprise en montrant une lenteur et une grande prudence dans le déploiement de l’infanterie. L’équipe gouvernementale israélienne peut-elle vraiment rassurer son électorat craintif pour sa sécurité ?)) Ce n’est pas non plus en jouant aux 102 missiles fixes que le Hamas favorisera le retour au pays des autres Palestiniens et empêchera Tsahal de revenir faire un tour, puisque personne ne peut l’en empêcher. ((Oui d’ailleurs depuis l’été 2006, qui peut dire que le Hezbollah prétendument victorieux s’amuse encore à  effectuer des tirs de roquette ?)) Ce qui se voulait une leçon ne fera pas renoncer les jusqu’au-boutistes, mais honnêtement est-ce que le Hamas est garant de la protection de la bande de Gaza, on peut difficilement l’affirmer. Il va lui falloir collaborer, comme le Fatah l’a fait. Et la collaboration peut avoir du bon, pour peu que les rapports soient équitables, ce qu’ils ne sont pas.

Ces gens qui font les fiers, qui se gaussent d’être toujours en vie en récupérant les prisonniers ou les morts pour leur propre cause, surtout les enfants, qui eux n’ont même pas eu le temps de savoir s’ils devraient voter Hamas ou Fatah aux prochaines élections, ces gens-là  sont décevants. ((Je sens que l’on va s’amuser selon que le Hamas remette la légitimité du mandat présidentiel de Mahmoud Abbas sur le tapis. En effet, selon le Hamas, celui-ci devait déjà  quitter ses fonctions le 9 janvier au terme de son mandat, mais comme le principal intéressé expliquait le contraire et tend aujourd’hui la main pour former un nouveau gouvernement d’unité nationale … cela risque de nous promettre de belles répliques en perspective. À moins que tout simplement le Hamas consente à  entrer au nouveau gouvernement. On peut évoquer la possibilité d’élections anticipées, mais elles n’auront lieu qu’avec le consentement d’Israël, qui s’y prendra à  deux fois avant d’en autoriser la tenue s’il y a une quelconque raison de craindre que le Hamas l’emporte à  nouveau. Enfin bon, au niveau interne de l’Autorité palestienne, tous les paris sont ouverts qu’il y ait réconciliation ou pas.))

Beaucoup d’entre vous se demanderont de quel côté monsieur Pingouin peut bien être, je suis un peu comme le Jourdain, je suis mon cours en regardant chacune des rives par lesquelles je coule avant de me jeter dans les bras de la mère morte ((La mer Morte bien sûr ou l’amère morte si c’est ce que vous préférez lire, ceci est un blogue à  choix multiples.)) , et comme l’ONU je demeure saisi du dossier.


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