À mille lieues des terrains où s’affrontent avec le même goût prononcé pour le récidivisme quadriennal les nations les plus qualifiées pour le massacre du gazon et des ballons les plus inoffensifs, le petit pingouin que je suis coule des jours heureux libéré du petit écran. C’est donc à l’abri du vacarme des vuvuzelas, ces tapageuses armes de déconcentration massive que l’on aurait dû inventer avant l’occupation du vel’d’hiv ((Et même avant bien d’autres choses d’ailleurs … )) , que je peux paisiblement rédiger ce billet. Jusqu’à peu, je pensais que le passage à la TNT causerait chez les habitants de l’hexagone le dynamitage de leurs vieilles habitudes audiovisuelles. Cela aurait eu pour conséquence de prévenir la livraison de leur esprit à toutes ces retransmissions entrecoupées de réclame, qui ces jours-ci nous vantent la magie des paris sans germain au prétexte douteux que le pari est magique.
Je ne sais pas ce qui est le plus magique entre l’acharnement (à raison) de la meute des médias contre une ex-ministre dans la position délicate de la missionnaire et l’impunité latente conférée à une bande d’athlètes reconnue pour son talent à violenter des ballons de cuir dans toutes les positions possibles et imaginables que le périmètre d’un terrain de football permet. Ce que je constate c’est qu’ils ne connaissent pas le même sort, et pourtant leurs extraordinaires salaires dépassent l’entendement de l’hexagonal moyen. Peut-être est-ce une question de charme ? Après tout, on applaudit bien plus le spectacle du sport que celui de la politique, qui, n’en est peut-être pas vraiment un. Tout cela m’échappe et semble définitivement relever du mystère humain, insondable pour les alcidés dans mon genre.
Ce n’est pas grave. D’ailleurs, puisque cela ne m’atteint guère, j’ai suffisamment de bonne humeur pour souhaiter à tous ces fêlés de fous de bol une bonne coupe tant que cela ne concerne rien de capillaire, auquel cas je m’insurgerai avec le même engagement conformiste d’un pseudo-intellectuel fanfaron bien-pensant face à un prétendu crime contre son bon goût. De toute façon, si ce sport ne parvient pas à plaire à tout le monde, nul n’est obligé de se sentir oppressé par ces célébrations aux allures de grand-messe extatique. Autrui, ce nul, pour ne pas dire ce lâche, n’est plus obligé aujourd’hui de croire qu’il lui est interdit d’exorciser ses propres pratiques masochistes alors qu’il peut profiter de cette grande diversion pour s’adonner à ses loisirs en toute quiétude. ((Mon horreur pour le masochisme pratiquant fait que je ne badine pas avec la douleur que certains spectacles peuvent infliger à ma vue comme à mon esprit et qui font que je cherche à m’en débarrasser le plus vite possible. )) Comme si cet évènement faisait disparaître l’incroyable richesse de contenus dont la toile recèle et qui passe pour être extrêmement chronophage ! Trêve d’ingurgitation d’ophidiens ! Ce n’est pas pour jaboter, mais je ne suis pas du genre à avaler des couleuvres. On ne me fera pas croire que pour si peu la terre entière cesse de tourner, ce serait vraiment se faire des films et être coupé du monde.