«À babouches, ci n’est plus qu’ine quistion di simelles.» , c’est que me disait mon cousin oriental Batrik al Sideh en commentant la politique moyen-orientale de l’administration Bush actuelle qu’il trouve bête comme ses pieds ((Les pieds de Bush et non d’une biche ou d’un pingouin, car al Sideh lui aurait de toute façon parlé de palmes.)) . En effet, ce n’est pas pour jaboter, mais si la politique moyen-orientale états-unienne a été conçue avec les pieds, rien n’empêchera al Sideh de vouloir le prouver en affirmant que «Ci sont les simelles qu’ont pensé !» .
Malgré tout le respect que j’ai pour les mules, si l’une d’entre elles avait mené une telle politique extérieure, on aurait fini par la laisser bien au chaud dans le vestibule de la maison blanche. Sauf qu’une belle paire, Colin Powell ((Général démissionnaire en novembre 2004 remplacé en janvier 2005 par Condoleezza Rice au poste de Secrétaire d’État des États-Unis.)) et George Bush, a visiblement décidé de ne pas rester sur la touche et s’est pris les pieds dans le tapis afghan, ce qui pourrait leur servir d’avertissement s’ils essayaient d’en faire de même avec le tapis persan.
En décembre 2001, personne ne s’attendait à ce que cette guerre dure encore aujourd’hui. L’optimisme régnait, et on aurait même pu croire que la lutte contre la culture du pavot serait pavée de succès ((Sauf que si l’année 2001 a effectivement connu une véritable chute dans la production, il faut dire qu’en la matière même les hommes de la junte birmane font beaucoup mieux ou moins pire, et que cette baisse n’était que passagère puisque l’ensemble de la production a repris de plus belle au point de faire de l’Afghanistan le premier producteur mondial de pavot, une place qui a longtemps échu aux pays du triangle d’or. Bien qu’à l’ordre du jour de la mission de la force internationale en Afghanistan, ceci n’est évidemment pas son objectif premier même si la culture du pavot aurait rapporté paraît-il en 2006 l’équivalent de 3 milliards de dollars US soit 45% du Produit Intérieur Brut afghan.)) . Et tandis que certains se tapissaient dans l’ombre, d’autres les tapissaient de bombes avec des résultats aussi nuls les uns que les autres en dépit de toutes les espadrilles d’attaque utilisées.
Puis vint l’un des canulars les plus douloureux de l’histoire irakienne avec la redoutable accusation de détention d’armes de destruction massive et d’armes biologiques ((Et ce avec des informations aussi bien fondées que celles fournies par un certain Curveball.)) . Malgré une absence de preuves et les menaces de véto d’autres grandes puissances, la belle paire de mules n’a pas fait marche arrière ; évidemment, lorsque l’on vous dit que les mules sont têtues, ce n’est peut-être pas pour être méchant envers elles, c’est parce qu’il s’agit de leur talon d’Achille.
Quelques bruits de bottes et une application de la doctrine ‘zéro mort’ plus tard, la coalition internationale fit rase moquette de l’armée irakienne qui se retrouva sur le carreau de l’impitoyable échiquier international. Incapable jusqu’alors de se relever, et même de rebâtir l’unité nationale, l’Irak piétine encore sur la case départ du jeu de l’oie du plus fort.
Avec deux sorties de cette pointure, vous comprendrez que mon cousin al Sideh espère que la prochaine administration états-unienne soit un peu plus pantouflarde. Certes, l’idée et l’ambition d’un grand Moyen-Orient démocratique semblent être compromises pour ne pas dire qu’elles sont passées à la trappe, tant le nœud du tapis afghan est dense pour être défait aussi vite, mais cela n’empêche pas un certain John McCain de confondre allègrement l’Iran avec Barbara Ann et de proposer son bombardement, en grandes pompes bien sûr. ((Les plus craintifs pensent que si ce candidat est élu, il n’enterrera pas le dossier, en grandes pompes bien sûr. Je persiste et signe avec mon ‘en grandes pompes’ puisqu’il est question de pointures politiques dans ce billet. D’ailleurs les mesures, aussi funèbres qu’elles soient, font état de six pieds sous terre, c’est vous dire si ça fait de grandes pompes six pieds.))
L’Iran, qui est devenu le nouveau grand méchant loup de la décennie 2000 alors qu’à l’image du Pakistan il ne lui déplairait pas d’avoir un Afghanistan stable (et amical) pour voisin, aimerait bien en finir avec les réfugiés ((Bien qu’à présent 300 000 d’entre eux soient rentrés de leur propre chef, l’Iran en compte 1,2 millions et en a expulsé 50 000 l’été dernier.)) et avec le trafic d’opiacés ((L’Iran connaît un nombre de saisies en la matière des plus importants, et la récente reprise de la culture du pavot en Afghanistan n’a rien pour lui plaire à l’exception sans doute de ses 3 millions de consommateurs d’opiacés. Ceci dit, le rapport sur le terrorisme du département d’État en date du 30 avril dénonce l’Iran comme fournisseur d’armes aux Talibans en Afghanistan.)) . L’Iran, dont les plus paranoïaques ont cru que l’on s’amusait à lui jouer la vieille rengaine de l’incident du golfe du Tonkin en janvier dernier, est en état d’alerte depuis quelque temps déjà , sans doute de peur qu’oncle Sam vienne traîner ses savates un peu trop près.
L’Iran, est devenu à lui seul plus terrifiant qu’un groupuscule répondant au nom ridicule de ‘La base’ dont tout le monde sait qu’elle ourdit. La base, ou al Qaïda pour les intimes ((Al Qaïda étant visiblement plus vendeur dans le reste du monde que sa traduction.)) dont les liens prétendus avec Saddam Hussein restent encore à prouver occupe aujourd’hui moins d’espace médiatique que les délires géographiques de ce provocateur de président Ahmadinejad.
Si les États-Unis s’étaient rendus compte qu’en affaiblissant les deux adversaires les plus proches de Téhéran ((À savoir les Talibans et l’Irak.)) , ils lui auraient rendu service, ils se seraient peut-être abstenus. Entre nous, mon cher lectorat, j’ignore ce qu’ils portaient réellement aux pieds ce jour-là , mais aujourd’hui cela ressemblerait plutôt à un lourd fardeau pour ne pas dire un boulet. Mon cousin al Sideh évoque quant à lui une possible théorie du complot, et prétend qu’il s’agirait des méfaits du djinn Baasket, cet esprit malin qui dénature les codes vestimentaires en se voulant l’uniforme de la jeunesse mondiale. À ce sujet, je ne réponds de rien, j’aurais trop peur que mon parent me dise : «Mais di quoi il semelle, cilui-là ?» .
Pour en revenir à la politique extérieure très moyenne et assez orientée de l’administration Bush au Moyen-Orient, je dirais que pour se tirer de ce mauvais pas, il va falloir de la patience et des talents de funambule à ses successeurs pour éviter que leurs pieds clochent parce qu’il serait dommage par exemple d’accorder le Fatah, le Hamas et Israël au son du glas. C’est toute la difficulté que rencontre la voix de l’harmonie à vouloir se faire entendre dans cette région turbulente où les coups de canon sont devenus légion et ôtent la parole comme la vie aux messagers de la paix. Certes, il n’y a pas de quoi remonter le moral régional qui est plutôt dans les chaussettes, au vu de la guerre en Irak et un peu moins avec le récent accord de Doha au sujet du Liban ((Le Hezbollah a gagné et obtenu son non-désarmement ainsi que la minorité de blocage pour l’opposition dont il fait partie (11 ministres sur 30), et ce même si je n’approuve pas la méthode employée dans son coup de force armé. Ceci dit, si j’avais dû donner un titre de billet sur l’élection du général Sleimane j’aurais choisi quelque chose comme «Ce n’était pas en vain !» suivi de «Même s’il a fallu attendre la 20ème tentative pour élire un chef d’État au Liban. » . )) et les tractations entre le Hamas et les occidentaux.
Enfin, comme ce n’est plus qu’une question de semelle, et comme elle est bien usée je me dis qu’il n’y en a plus pour très longtemps. Reste à savoir qui l’emportera en novembre outre-Atlantique. En attendant le dénouement de la situation, George UU Bush qui est aussi défait que des lacets, perdu et en manque de coordination, s’est vu proposer par ses plus facétieux opposants de se trouver un cordonnier. Hé oui, il faut bien quelqu’un pour tout raccommoder.
x (( À l’attention d’un groupe de camarades proscrivant les mocassins à glands et de mon lectorat silencieux, il est possible de cliquer sur ce bouton pour dévoiler l’ensemble des jeux de mots de la chronique. [Spoil] Cher lectorat, vous l’aurez compris, monsieur Pingouin s’est aujourd’hui offert une pointure du genre. «À bas Bush, ce n’est plus qu’une question de semaines.» était donc le mot d’ordre militant pour une mise à pied exemplaire de l’actuel président états-unien ou au moins une incitation à le voir lever le pied. Concernant la base, il ne surprendra personne qu’elle abasourdit par ses actions spectaculaires dans lesquelles elle attente à la vie d’autrui. Sinon ce n’est pas pour jaboter, mais selon un de mes informateurs, Batrik serait la prononciation arabe du mot pingouin et al Sideh mon alter égo 😉 . [/Spoil] ))
9 réponses à “À babouches”
Cher Alcidé,
Tu rivalises d’ingéniosité et j’avoue que je suis estomaqué (je ne te parle pas d’estomac dans les talons) à la lecture de tous ces bons mots.
J’ai adoré tout particulièrement « assez moyenne et très orientée » 😉
C’est assez comique qu’effectivement, on a l’impression que chaque initiative de l’occident ou d’Israà«l au MOrient conduit tout droit à un renforcement de l’Iran, comme si ce pays récoltait les fruits d’une politique régionale mûrement réfléchie.
Finalement, mieux vaut au canon idéaliste (mais orientée) une politique réaliste (mais tout aussi orientée et encore plus vicieuse) à la française : au moins, on laisse la place à l’équilibre, même si on se tâche en passant.
Né à 23 semaines, il casse les plans du gouvernement britannique est le dernier billet publié par le chafouin .
A lire cette chronique spartiate, il me revient une nouvelle de Dino Buzatti dans son recueil « Le K ». La nouvelle s’intitule Pauvre petit garçon !. Je m’imagine alors que votre chronique aurait pu s’intituler aussi « A babouches… K », ce qui vous aurait permis de voir dans ce double u un loup déguisé en mère-grand.
Au boulot, les vieux ! est le dernier billet publié par Gizmo .
Cher Chafouin,
Je suis bien content que cette chronique ait trouvé chaussure à ton pied.
Pour ce qui est des fruits et du mûrement réfléchi, les plus méchants commentateurs, qui cultivent le sarcasme à l’égard du Département d’État états-unien, pensent que ce dernier a dû travailler d’arrache-pied ses plans d’attaque dans le but d’éradiquer le mal à sa racine, sauf qu’en désherbant la mauvaise herbe talibane elle l’a aussi fait pour le compte de l’Iran, qui à défaut d’avoir eu la main verte a eu la main heureuse.
Chère Gizmo,
Je vois de quel conte vous parlez, ce qui m’en fait penser à un autre dans lequel trois petits cochons chantent : «Qui a peur du grand méchant you ? C’est p’t’êt’ vous, c’est pas nous !» .
Al Sideh, en revanche, lui me fait dire que UU sera célébré à la fin de son mandat comme il se doit, c’est à dire au son de nombreux youyous.
Je ne savais pas que les alcidés écrivaient aussi joliment.
« Reste à savoir qui l’emportera en novembre outre-Atlantique »
Le pauvre humain que je suis a bien saisi que ce serait compliqué mais quid de la différence entre les deux (on va dire deux c’est plus simple) options concernant le Moyent Orient. Sont-elles vraiment explicites ?
"INCONNU A CETTE ADRESSE" DE KRESSMANN TAYLOR est le dernier billet publié par Thaïs .
Chère Thaïs,
Merci. 🙂
Je vais essayer de vous répondre avec ma petite cervelle d’oiseau.
Chaque candidat en présence possède dans son équipe tout ce qui a déjà servi dans les précédentes administrations (Que ce soit sous Bush père et Reagan côté républicain ou sous Carter et Clinton côté démocrate.) donc il ne devrait pas y avoir de rupture radicale avec l’ensemble de la politique étrangère menée.
Ceci dit, oui, on peut noter quelques différences.
La différence sur l’Iran que l’on pourrait souligner à propos de la candidate Clinton c’est qu’elle a voté favorablement l’amendement Kyl-Lieberman, qui non content de mettre les gardiens de la révolution sur la liste des groupes terroristes avait été interprété dans sa première version comme un blanc-seing pour entrer en guerre avec l’Iran. Et ça n’en reste pas moins une prise de position drastique vis à vis du régime actuel de Téhéran. Au sujet du bien fondé du raisonnement élaboré dans cet amendement, des experts en matière d’humour se sont amusés à dire dans le New York Times : «Imaginez que les Iraniens déclarent que l’armée états-unienne soit une organisation terroriste sous prétexte qu’elle reçoit ses ordres de George W. Bush.» .
Bref, une retouche sur ce chèque en blanc plus tard, quelques paragraphes étaient modifiés et madame Clinton pût voter l’amendement. S’il n’avait été modifié, j’imagine que beaucoup de monde se serait fait en toute logique un sang d’encre, mais nous n’en sommes pas là . Par la suite, Clinton s’est justifiée en expliquant que rien dans cet amendement ne permettait au président Bush d’en venir aux armes contre l’Iran sans venir chercher au préalable l’autorisation devant le Congrès. Sauf que ce que cet amendement a été rédigé dans sa version originale en collaboration avec un certain John McCain, alors en campagne lors du vote. Tout aussi abstentionniste que McCain et ce pour les mêmes raisons, Obama fit pourtant part de son opposition à cet amendement bien que lui aussi soit du genre à dénoncer la main de l’Iran derrière le Hezbollah, et toutes sortes d’actions jugées terroristes.
à€ la question du dialogue sans condition préalable avec les Perses, elle a d’abord été initiée par Barack Obama puis reprise maladroitement par Hillary Clinton, tandis que John McCain n’en est pas partisan. Je dirais qu’il est favorable à faire parler la poudre, même s’il vous dira que c’est la dernière option.
Côté irakien, si l’on écoute le candidat républicain, d’ici janvier 2013 (La date de la fin de son premier mandat s’il est élu.) la majorité des troupes stationnées en Irak sera retournée à la maison, et les États-Unis auront réellement gagné la guerre, et le monde entier saluera dans la liesse le début de son second mandat. Chez les Démocrates, le retrait est prévu mais les positions ont évolué. Sous certaines conditions côté Clinton, et entamé dans les deux mois suivants son entrée en fonction, tandis qu’Obama fait état d’un retrait étalé sur seize mois.
Enfin, bien que ces deux derniers aient souvent abordé la question du retrait, ils se sont très bien abstenus d’évoquer un calendrier précis. Pourvu que leurs propos aussi réfléchis qu’ils soient ne renvoient ni aux calendes grecques, ni l’image d’un avenir peu reluisant.
Vous dîtes :
« Je vais essayer de vous répondre avec ma petite cervelle d’oiseau »
Vous avez raison, après avoir lu cela 🙂 :
http://www.ledevoir.com/2008/02/08/175224.html
En tous cas, je vous remercie de toutes ces explications lumineuses.
Si je comprends bien, de toutes façons la marche de manoeuvre est réduite et puis les promesses de campagne…
Ah ça, les manœuvres militaires elles sont déjà en marche.
Sinon, vous n’auriez pas dû me laisser un lien pareil, comment voulez-vous que je n’attrape pas la grosse tête après l’avoir lu ? 🙂
je viens de découvrir cette analyse (il est temps :-))
http://www.geostrategie.com/606/carnet-americain-un-trop-proche-orient
je ne connais pas ce site, ni l’auteur de l’article. Mais pour moi pauvre humaine ça fait peur. Je serais un peu pingouin, je retournerais avec mes petits au loin dans la blanche banquise.
Excusez ces questions un peu naïves mais l’opinion publique française ayant une option affirmée pour un candidat, j’essaye de comprendre pourquoi et de me faire ma propre opinion…
LOTO BOOK AND BOOKS AND THE CITY est le dernier billet publié par Thaïs .
Chère Thaïs,
Je ne sais pas si vous vous adressez à la bonne personne pour ce genre de choses, mais je peux vous donner mon avis tout de même puisque vous l’avez sollicité.
Je ne connaissais pas non plus ce site, qui j’espère pratique un minimum le second degré pour avoir créé une rubrique ’empire du mal’ qui me met curieusement mal à l’aise.
Le ton employé est assez alarmiste, mais en réalité je crois qu’il n’apporte pas grand chose de neuf. Très simplement, la défense d’Israà«l depuis sa création est une constante pour les États-Unis, et aucun président n’abandonnerait Tel Aviv (Sans parler de la réaction de tout pays signataire d’un traité de défense bilatéral avec les États-Unis qui se mettrait aussitôt à douter de sa validité.) ce qui explique que lorsque Barack Obama dit qu’il est prêt à dialoguer avec l’Iran, il n’écarte pas pour autant l’impossibilité de voir Téhéran se doter de l’arme nucléaire et se montrerait très ferme si cela devait se produire.
Pour l’attrait de l’opinion française vis à vis d’Obama, je ne sais pas ce que je devrais répondre. Peut-être le fait qu’il était opposé dès le début à la guerre en Irak comme une majorité des Français ?