Entre deux Mao, il faut choisir le moindre, c’est difficile à faire quand on me dit de ne pas avoir de Mao plus haut que l’autre. Le mieux est peut-être de ne pas en avoir du tout.
Comme chaque successeur du président Mao tait tout espoir de voir tout le monde s’exprimer librement ! j’ai décidé de rompre mon silence aujourd’hui, parce qu’après tout je suis rentré en France et que je n’y crains pas grand chose.
À l’occasion du soixantième anniversaire de la proclamation de la République populaire de Chine qui eut lieu quelque part perchée dans la partie sud de la Cité interdite, monsieur Pingouin vous propose autre chose que le commentaire du défilé parce que l’immanquable parade des hommes des casernes incitera quelques (ou peut-être la majorité des) journalistes à brandir l’épouvantail que constitue l’armée populaire de libération, qui paraît-il devrait envahir tout ce qui bouge une fois achevé le développement pacifique de la Chine de monsieur Roux. ((Un rapide coup d’œil sur ce que représente le dit budget, vous fera vous demander s’il est raisonnable qu’il ne soit qu’un tiers plus élevé que celui de la puissance française. Puis vous vous direz que les États-Unis et certains journalistes exagèrent même s’il faut concéder que pour la première fois de son histoire la Chine populaire est devenue en 2008 le chouchou numéro deux des hommes des casernes en mal d’amour … )) Bien que terrorisé par l’importance du contingent, l’humble alcidé que je suis ne tremblera pas devant la feuille blanche au bout de la branche sur laquelle il est juché pour rédiger une chronique poilante puisqu’il y est question du président Mao. ((C’est très petit de ma part, mais le caractère qui sert à écrire le patronyme du dictateur Mao n’est autre que celui du poil. ))
Mao Zedong était du genre à vous faire marcher longtemps, alors que ce brave type se faisait porter par d’autres camarades franchement sympathiques mais pas trop costauds parce qu’aucun n’a jamais osé lui parler de changer de régime. Il vous faisait donc marcher longtemps disais-je surtout lorsqu’il essayait de faire croire au reste du monde qu’il était capable d’entreprendre la modernisation de son pays ; là , tout le monde a couru et s’il avait pu, tout le monde aurait revisité René Descartes et opté pour un très sérieux : « Je pense donc je fuis. » .
L’ennui c’est qu’en fonction de ce que Mao met, fait, dit, il est uniformément obéi et chacun boit religieusement ses maximes comme paroles d’évangile. Prophète, dictateur de la pensée condensée dans un seul petit livre tout rouge, le docteur Mao sculptait sa patrie de ses propres mains et refusait le diagnostic de Sun Yat Sen qui faisait de la Chine l’homme malade de l’Asie sans se rendre compte que les remèdes que lui-même fournissait ne parvenaient pas à guérir son pays. ((Certains auront beau dire : « Au grand Mao, les grands remèdes ! » , il ne faut pas croire ce genre de détournements de proverbes. ))
Le président Mao, pressé, en voulant obtenir des résultats aussi vite que possible, a échoué si lamentablement que l’on a dû invoquer une grande vague de sécheresse pour cacher les erreurs de son Grand bond en avant. Mais qui a dit de toute façon que le docteur Mao paierait ? La prescription de ses erreurs aura été contagieuse et personne de son vivant n’aura osé lui en tenir rigueur. Et rares sont ceux qui tentèrent de le tailler en pièces. Ces inconscients ne parvinrent à obtenir de lui que leur tête sur le billot et sa tête sur les billets. Et le seul qui aurait pu réussir cet exploit n’était autre qu’un tailleur qui aurait su dessiner le Mao de bain deux pièces : le seul brevet qui manqua d’être déposé en Chine populaire. Au lieu de cela, on prétendît habiller toutes les bombes sexuelles en les drapant du murmure de ce doux nom qu’est le très explosif atoll de Bikini. ((Des conspirationnistes pensent que l’on tient dans ces propos la véritable teneur du plan Marshall, puisque Bikini est un atoll des îles du même nom que le fameux plan. ))
Vous l’aurez donc compris, Mao n’était pas un petit rigolo, et il pouvait certainement concurrencer le croquemitaine lorsque l’envie lui prenait de s’en prendre à tous les droitiers. Une rumeur absolument infondée, qui circule parmi les manchots les moins bien renseignés, voudrait que Mao fut surnommé non pas le gaucher, mais l’ogre anti-meunier. En effet, les meuniers au goût du chef de la Chine populaire se faisaient trop de blé et auraient nourri une certaine prédisposition à rouler les gens dans la farine. Une autre rumeur, bien fondée celle-ci, raconte qu’il était le grand timonier parce qu’il guidait le peuple, pilotait l’économie et ce même s’il n’avait franchement pas grand chose à voir avec un capitaine d’industrie.
Heureusement, il s’est tu à jamais en septembre 1976 ; malheureusement il continue de nous hanter. C’est bien gentil de sa part de ne pas nous abandonner, mais je ne crois pas aux fantômes. N’empêche après tout ce raffut autour de ce bonhomme, est-ce que mon cher lectorat a constaté le faste avec lequel la France a bien pu célébrer l’an passé le cinquantième anniversaire de la Vème république ? C’est curieux tout de même, je vais avoir l’impression d’avoir manqué quelque chose.