Passager clandestin


Je me tais depuis trop longtemps, en voilà  assez de mon mutisme. Vous aurez remarqué que quelque chose m’a cloué le bec. En réalité j’étais plutôt cloué au nid, rendu marteau par un excès d’idées noires. En effet, mon cher lectorat bipède, vous l’ignorez peut-être mais chez les alcidés, une maxime fort à  propos illustre ma mésaventure, c’est la fameuse expression : au nid soit qui mal-pense. ((Honni soit qui mal y pense.))

N’est-ce pas un redoutable proverbe pour les pingouins de mon espèce ? Aussi redouté fut-il, il ne fit pas un doute que j’en étais atteint. Et bien que je n’eusse versé déraisonnablement dans la bien-pensance, tout commença lorsqu’en voulant contempler le manteau blanc de l’hiver d’un peu plus près j’attrapais un rhume. Oui, un rhume qui s’attacha tant à  moi qu’il ne lui vint pas à  l’esprit qu’il lui faudrait un jour me quitter. Décidé à  me prouver que les microbes et l’alcidé pouvaient cohabiter, il ne manqua pas de me priver de mes facultés en me clouant donc au nid. Constatant que la voie de la guérison était aussi présente en ma demeure que la lucidité dans l’obtus esprit de cette maladie, j’en convins qu’il me fallait trouver un autre angle d’attaque. Malgré toute l’affection que l’on peut avoir pour une infection, je me devais de me séparer de ce mal qui m’affectait.

J’employai les grands moyens car les nuits que je passais à  blanchir s’étaient noircies de mes idées, qui – je dois l’avouer – étaient vraiment de moins en moins claires. L’envie de noircir les pages blanches de mes chroniques tardait à  revenir ; je crus même qu’elle m’avait abandonné. Au train où allèrent les choses, ma correspondance prit aussi plus d’un métro de retard. Ce n’est pas pour jaboter, mais ce mal passager avait autant de difficulté à  partir qu’un RER B stationné à  la voie 43 de la gare du Nord en direction de Mitry-Claye.

Mes pensées divaguèrent, s’égarèrent. Je crus que plus rien ne me transportait, et cela bien que je fusse malgré moi embarqué dans cette sombre histoire de maladie, qui me rendait fiévreux, les plumes en nage. ((« Qui a osé dire que j’étais à  la rame ? Dans cette chronique il n’est nullement question de chute de papier, mais plutôt de ma remise sur les rails. »))

Enfin, tout ceci pour dire, mon cher lectorat, que j’employai les grands moyens. C’est ainsi que j’en vins à  faire valoir mon droit de véto, avec tout ce que cela impliquait : me voir ausculté dans tous les sens par l’un des vôtres, devoir lui tirer la langue en prononçant des nombres impairs, et me faire injecter une bonne dose de médicaments. Cependant, étant déjà  tombé malade une fois, vous n’imaginez pas à  quel point faire faux bond à  la rechute m’importait. Bon sang comme j’avais envie de reprendre mon envol et de vous retrouver. À bientôt !

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5 réponses à “Passager clandestin”

  1. Je vous souhaite, cher compagnon d’infortune sanitaire (étant moi même infectée d’un germe récalcitrant), une prompte convalescence…

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