Opaque-istan


Lundi dernier, un certain homme des casernes a quitté ses fonctions de président du Pakistan. Ce n’est pas pour jaboter, mais j’aurais cru qu’en ces temps d’olympisme où le principal est paraît-il de participer que Pervez Musharraf aurait mérité la première page ce jour-là , car il était tout aussi sur le départ que n’importe quel athlète dans les starting blocks.

D’ailleurs, personne dans les salons feutrés du guet d’Orsay ne vous dira qu’il s’agissait là  d’un faux départ. En effet, le général est bel et bien arrivé en fin de course après neuf ans de règne à  piétiner ses adversaires politiques ou à  pédaler dans la choucroute comme vous diront ses détracteurs en dépit de toute l’incitation à  la barbarie à  l’égard de la gastronomie alsacienne que peut représenter cette indigeste affirmation. ((Ses détracteurs qui ne rêvaient que de le découper en rondelle préfèrent se repaître du fameux Karachi Parmentier.))

Dans les couloirs voisins, Asif Ali Zardari ((Du PPP de Benazir Bhutto dont il est le veuf.)) et Nawaz Sharif ((Du PML-N tenu par son frère Shahbaz en attendant d’être de nouveau éligible, même si l’on peut être ministre d’un gouvernement sans être élu.)) se démènent au coude à  coude pour obtenir la première place tout en se réjouissant de l’arrêt de leur concurrent. Pour avoir la trempe d’un président, c’est bien connu, la croissance c’est comme la victoire il faut aller la chercher avec les dents quitte à  mordre la ligne blanche.

Fin chasseur au pays du coup d’état quasi-permanent ((Le Pakistan n’aura connu que trois périodes de gouvernement civil de 1947 à  1958, de 1971 à  1977 et de 1988 à  1999, soit moins de trente ans en soixante-et-un ans d’existence. Évidemment, il est possible de dire que Musharraf devint président en juin 2001 et qu’il fut conforté au poste de président grâce au référendum d’avril 2002. On pourra aussi objecter qu’il s’était nommé lui-même à  ce poste, que le référendum en question lui octroya 97,5% des suffrages soit beaucoup mieux que le français Jacques Chirac paraît-il plébiscité en son temps, tout comme l’on pourra remarquer que le général ne quitta l’uniforme qu’à  la fin du mois de novembre 2007 dans le but de faire peau neuve après avoir déclaré l’État d’urgence au début du même mois. Et pourtant son départ sans qu’une goutte de sang soit versée est une chance pour les partisans de la démocratie qui devront faire leurs preuves à  nouveau, sans quoi c’est bien simple, un autre homme des casernes leur succèdera et leur prouvera que l’on peut afficher un bilan plus efficace que le leur.)) , tonton Pervez aura su quitter le pouvoir plutôt que d’en être chassé à  l’image de nombre de ses prédécesseurs et de nombreux autres dirigeants de ce bas monde.

Son premier coup d’éclat avait été de prendre le pouvoir par un coup d’état sans verser le sang, et l’avait débarrassé d’un homme dont on pense aujourd’hui qu’il aimerait lui rendre la pareille mais surtout pas le plus simplement possible. ((Ces propos fortement douteux consisteraient paraît-il à  mettre Pervez Musharraf à  nu, en le mettant dans le plus simple appareil.))

Beaucoup voient dans sa démission la négociation d’une immunité, qui est toujours mieux que le lit menotté pour peu que l’on n’apprécie pas les barreaux et la compagnie d’un geôlier dans l’intimité d’une cellule. Et puis comme lui aurait dit Richard Nixon s’il était encore de ce monde, c’est toujours mieux de partir avant d’avoir un empêchement. ((En effet, ce président-là  apprît à  ses dépends que les fuites, agrégées en un torrent d’informations compromettantes, pouvaient engendrer des ennuis en cascade.))

L’opacité de l’avenir pakistanais qui réside en partie entre les mains des deux derniers concurrents homo electus en lice pour retrouver le pouvoir qu’ils ont perdu. Les disputes autour des juges limogés, la situation jugée préoccupante à  l’extérieur, et la présence d’une zone de conflit dans l’ouest du pays à  défaut de faire le malheur des autres fait parfois aussi le bonheur des uns, tiens.

En attendant, good bye tonton Pervez, et si tu ne sais pas quoi faire pour les vacances ne demande pas à  David Miliband ou à  Jonathan, un journaliste qui nous expliquait pourquoi tu méritais notre sympathie t’a d’ores et déjà  trouvé de saines occupations.


8 réponses à “Opaque-istan”

  1. Je comprends que le Douste t’habite encore, mais le véritable timonier demeure un certain co-prince d’Andorre, c’est te dire s’il sait se tenir éveillé et aux aguets. Après libre à  toi de penser qu’il navigue à  vue 😉

  2. Bien sûr mon cher Criticus !
    D’ailleurs une petite recherche étymologique des mots évêque et épiscopal en dit long à  ce sujet puisqu’ils proviennent paraît-il du grec episkopos – epi pour sur, et skopos pour regarder – autrement dit le surveillant ou le gardien, c’est te dire à  quel point sa grandeur est bien veillante. 😀

  3. Tu exagères ami chafouin, je ne suis pas aussi fort que tu le penses.
    Regarde ce co-prince d’Andorre qui invoque les mystères de l’ouverture en nous montrant qu’il possède le secret de sésame (ces âmes ?) et qui arrive à  exaucer partiellement Ségolène Royal – elle qui rêvait de la France présidente – puisque la France hérite (comme convenu) de la présidence du conseil de l’Union européenne. Est-ce que nous ne sommes pas témoins des bienfaits de la cour des miracles où ensemble tout est possible ? 😉

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