Un petit billet pour rebondir sur les interrogations de Verel au sujet du forfait cadres en jours qui m’avait donné envie de crier «Cadre à vous ! En joue, feu !».
Le cadre est fixé, mais voilà qu’il y a une ombre au tableau. Même si ceci n’en est pas un d’ailleurs, est-ce pour autant une loi-cadre ? Mmmh, le doute Magritte. Non, mon cher lectorat, ce n’est pas pour jaboter mais je suis absolument incapable de traiter de quoi que ce soit de sérieux surtout lorsqu’il est question de cuisine en l’état des choses.
En attendant d’être couchée sur papier, accouchera-ton de cette loi au forceps ? ((Ce qui est toujours mieux que d’accoucher dehors et dans la douleur.)) Lorsque le gouvernement a déclaré l’urgence sur le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, j’ai tout de suite pensé qu’il avait décidé d’appuyer sur le champignon, une sorte de passage en force. Et quand j’ai vu que la loi risquait d’accoucher aux forts cèpes, je me suis dit que je ne devais pas avoir tout à fait tort.
Truffée de pièges, selon l’esprit finaud des défenseurs des acquis sociaux qui sont toujours aux abois, la loi évoque les forfaits de toute une catégorie d’individus pour qui le crime paie. Non seulement, ces créatures maléfiques font des heures supplémentaires, mais de surcroît voilà qu’elles sont autorisées – si ce n’est incitées – à en effectuer davantage avec le consentement de l’État. Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que je ne dis que des bêtises d’une puissance à terrifier des femmes libérales et libérées comme Margaret Thatcher ? Et si je vous disais que l’État cautionne le crime organisé ? Vous vous diriez que je ferai mieux de me volatiliser ? Nenni ! Je suis choqué lorsqu’à la section 4 je lis : « Conventions de forfait » ! suivi de « Sous-section 1 : La mise en place des conventions de forfait » ! Avec autant de jours travaillés, j’imagine que la maxime qui veut que le crime ne paie pas est erronée.
Donc quand on me dit que les cadres travaillent au forfait, ce n’est plus un délit de penser que travailler est un crime odieux et que les bourreaux de travail prennent tout leur cens en abattant la tâche avec le même plaisir sadique que le savon que l’on passe à ses subordonnés pour mieux les lessiver. Voilà presque de quoi me placer du côté des chômeurs, qu’il ne faut pas nécessairement sanctionner sauf à vouloir faire plaisir aux autres indigents qui ont, eux, paraît-il la chance d’avoir un emploi. Pourquoi ? Parce qu’ils sont innocents. Absolument, mon cher lectorat désabusé par tant de propos révoltants. Au moins eux sont à l’image de la demoiselle en pleine puberté qui épuise son crédit de communication, ils sont hors-forfait.
Je me souviens de ce que me disait mon ami le pingouin Atride, qui est un Jeansonnier convaincu, «Travailler ! C’est bon pour ceux qui n’ont rien à faire.». Si je vous dis en plus qu’il est du genre à se donner en spectacle devant toute l’assistance sociale, c’est sans doute parce qu’il est l’un des rares alcidés que je connaisse à pouvoir répondre ceci à une menace de sanctions : «Entre une sanction financière et un travail non-rémunéré, il ne saurait y avoir de sanction plus dissuasive pour moi qu’un travail à temps plein.» . Voilà de quoi proposer une redéfinition de ce que l’on appelle le travail forcé.
En tant que pingouin ordinaire de mon état, je m’interroge sur les bienfaits du travail sur l’activité humaine. Sans rire, et pour en revenir à cette histoire d’accouchement j’ai été surpris d’apprendre que lorsque les femelles de l’homme mettaient bas, on les enfermait dans une salle de travail ! Mieux encore, il se murmure qu’elles sont encadrées de sages femmes qui vérifient que le travail se passe bien. Et moi, qui pensais qu’il était question de détente pour accueillir les heureux évènements ! C’est dans de pareils moments que je me sens étranger à l’humanité que je côtoie pourtant chaque jour depuis mon installation dans l’hexagone. Les humains sont si laborieux, si industrieux, que je n’ai de cesse d’être étonné par leurs occupations.
Pour tout vous avouer, lorsque j’ai découvert qu’il existait des cadres, je me suis demandé ce qu’ils encadraient, puis ai découvert qu’il s’agissait en fait d’autres personnes. Par comparaison avec mon étude de l’homme des casernes, j’en ai déduit que les cadres des armées – bien qu’armés jusqu’aux dents – s’appelaient parfois des chefs d’escadrille. Examinant un peu plus loin le forfait de ces hommes-là , j’appris qu’ils étaient spécialistes du bien nommé quadrillage qui précède la mise sur le carreau de tout ce qui bouge dans la zone concernée.
Enfin, tout cela me fait surtout dire une chose, insensée comme à mon habitude, vu que je suis un pingouin spécialiste ès âneries. Rien n’interdit aux entreprises et aux salariés de négocier, mais la grande question que je me pose est de savoir si pour s’entendre ils ne faut pas qu’ils fassent déjà l’effort de s’écouter les uns les autres. Comme chez les bipèdes homo sapiens c’est l’État qui organise le crime, je suis sûr et certain que les syndicats ne sont jamais bien loin.
4 réponses à “Les cadres peuvent-ils encadrer leur temps de travail ?”
A noter que les cadres ne peuvent accomplir leur forfait que s’ils sont autonomes, qu’ils travaillent en régie (des tabacs?) ou non
Qu’ils encadrent ou non d’autres personnes (qui peuvent ne pas les accompagner dans leur forfait) ne fait rien à l’affaire : et pourtant il s’agit de temps (de travail)
Cher Verel,
Merci pour ces notes supplémentaires, dont j’espère qu’elles ne me seront pas facturées au prix fort. 🙂
Je dois constater qu’il y a des règles lorsqu’il est question d’accomplir des forfaits, ce doit être lié au milieu j’imagine. Une sorte de code d’honneur… (Pour ce qui est de la Régie des Tabacs, étant non fumeur, je ne piperais pas.)
Le forfait s’appliquant donc aux personnes autonomes, je rebondirais volontiers sur l’autonomie des cadres qui alimentent l’entreprise, car à lire qu’il est de bon ton dans le conseil de travailler jusqu’aux heures les plus avancées de la nuit, je me demande comment ils rechargent leurs batteries. C’est sans doute l’autre question de l’autonomie.
Dans mon métier, la facturation se fait soit au forfait (on annonce le montant à l’avance) soit en régie (on facture les jours réalisés) ce qui amène à facturer en régie des cadres au forfait
C’est bien noté. Merci pour cette précision professionnelle.
Question absurde : j’imagine que si personne n’est réglé selon l’une ou l’autre des formules en vigueur l’on parle de ce forfait comme d’un régie-cide (Je dis cela parce que le client est roi, et que c’est lui qui paye au final) ?
Je vais arrêter un peu avec les jeux de mots, je crois qu’il devient temps que je parte en vacances, tout cela me travaille.