Vers une nouvelle partition de la Belgique ? Je t’aime moi non plus




Non, vous ne me surprendrez pas à  murmurer le gainsbourien «Je vais et je viens, outre-Quiévrain et je me retiens.» que Johnny Hallyday a déjà  superbement interprété avant de se rendre à  Gstaad puis de rentrer dans l’hexagone après la campagne présidentielle. À la rigueur, je pourrais reprendre de façon aussi hardie que Françoise le célèbre «Comment te dire adieu ?», dans lequel elle souhaite éviter tout réflexe malheureux ; un conseil avisé qui s’applique aussi bien à  la France, qui a systématiquement le réflexe sécuritaire en temps de crise, qu’à  la Belgique qui a souvent le réflexe communautaire.

C’est en tout cas ce que l’on dénonce à  nouveau depuis qu’Yves Leterme a donné sa démission au roi. Albert Douille, disc-jockey à  ses heures perdues va donc de nouveau trouver un enchaînement susceptible de remettre un peu d’harmonie en sa demeure et d’éviter que la Belgique ne s’embrase au son nasillard de «à‡a sent le Vlaams et ça revient. C’est fait de tous petits riens.». Heureusement que Johnny n’est pas devenu belge, car son «allumez le feu» aurait pu être très mal interprété.

Pourtant évoquer la partition de la Belgique ne me fait pas peur, bien au contraire, c’est un air peut-être moins entraînant que d’autres mais si je me mets à  vous le fredonner, nul doute que vous reconnaîtrez en lui la Brabançonne et non pas un requiem. Il ne manquerait plus que cela, que chacun succombe au méli-mélodrame ambiant. Avec quelle portée ces évènements se jouent-ils ? On parle de répercussions internationales, mais nul ballet diplomatique ne se profile à  l’horizon car les pays voisins estiment que les Belges sont après tout capables de s’entendre malgré leurs dissonances persistantes. ((Sur leur divorce ? Pourquoi pas ? Mais la séparation promet d’être amusante quand je pense à  leurs troupes au Liban ou en Afghanistan. En hommes des casernes avisés, ils continueront de remplir la tâche qu’on leur demande d’accomplir, à  moins que des imbéciles ne remettent en question la chaîne de commandement pour des raisons bassement communautaires.))

Ceci dit, je suis toujours surpris lorsque je découvre un article qui évoque la fracture belge. C’en est à  se demander comment fait le premier ministre Yves Leterme pour tomber systématiquement sur un os. Non, ne me dites pas que c’est parce que la Belgique est un fossile, elle n’existe que depuis 1830, c’est une petite jeunette et si elle ne survivait pas, ses détracteurs se réjouiraient d’affirmer qu’en effet elle n’a pas fait de vieux os. Ce n’est pas pour jaboter ou mettre les pattes dans le plat, mais le plat pays c’est vraiment une histoire d’œufs fêlés (d’œuf ailé ?) . Pourquoi ? Parce que ce n’est un secret pour personne si je dis que les Flamands et les Wallons sont brouillés, quand bien même le chanteur Arno fait valoir qu’ils sont tous des œufs ropéens. ((Inutile de me causer des yeux de De Robien, ce serait louche et cela n’aurait aucun rapport car de ces yeux-là  on dit qu’ils sont agiles.))

Oui les deux communautés majoritaires de la Belgique sont aussi brouillées que les pistes d’une carte au trésor imaginaire. Je me souviens que l’hiver ou l’automne dernier, nous assistions aux cinq minutes de courage d’Yves Leterme dont les plus paranoïaques ont cru qu’il s’agissait des cinq dernières minutes de la Belgique toute entière avant qu’elle n’appuie sur la gâchette. Yves Leterme, de son sobriquet Le Terne parce que selon les Wallons les plus craintifs il nourrirait secrètement l’envie d’enterrer le plat pays, a pourtant remis à  nouveau sa démission au bien encombré Albert Douille, roi de la côtelette et de ses sujets aussi complémentaires que le dernier numéro d’un tirage du loto lorsque l’on ne possède que les deux premiers.

Des missions de Leterme ? Il lui en reste néanmoins encore une à  accomplir à  mon avis, car en dépit de son impopularité actuelle je le vois bien reconduit dans ses fonctions de Premier ministre ((Ou de premier sinistre pour peu que vous, mon cher lectorat, l’appeliez réellement Yves le terne.)). Comment parler de concert a-t-il pu être une difficulté pour un chef d’orchestre qui a su rassembler 800 000 voix de préférence chez les Flamands ? Oh je sais bien que c’est toujours le BHV ((Arrondissement Bruxelles-Halle-Vilvoorde, sorte de rayon quincaillerie du Bazar de l’Hôtel de Ville mais à  l’échelle de la Belgique entière.)) qui cause problème, et que les néérlandophones croient voir venir le vol par la fraction de leur territoire. En effet, il est bien connu qu’en politique les fractions composent la base essentielle de tout hold-up électoral, ne dit-on pas qu’il faut diviser pour régner ? ((Petite parenthèse à  l’égard de l’ancienne candidate présidentielle Ségolène Royal dont le domicile a été victime des fractions. Voulait-elle réduire le risque des fractions en accusant l’UMP et le président d’en être le même dénominateur ? Était-ce là  un bon calcul ou au contraire faut-il se faire de la bile pour elle ?))

Un beau paradoxe pour ce pays dont la devise est paraît-il : l’Union fait la force ((À moins que ce ne soit l’oignon, car dans l’un de mes billets précédents je faisais valoir que les Flamands comme les Alsaciens se réunissaient chez Flams ou Vlams autour d’une flammekueche.)) . Il n’empêche que dans toute cette histoire, c’est encore au roi de nous faire patienter en nous offrant un entracte. Ensuite, quel que soit son choix parmi la gamme des hypothèses qui lui sont offertes, la belle gigue reprendra son cours et si possible sans fausse note.

x ((À l’attention d’un groupe de camarades dont la lucidité est à  toute épreuve et de mon lectorat silencieux, il vous est permis de cliquer sur ce bouton pour dévoiler l’ensemble des jeux de mots la chronique [spoil] Cher lectorat, le thème de la chronique belge était une fois de plus musical un peu comme le jeu des chaises auquel peu de politiciens ont véritablement envie de se livrer pour remplacer Yves Leterme. Si les yeux sont agiles c’est que ce sont ceux de Gilles de Robien qui était complètement étranger à  ce billet et dont l’apparition ici même constitue une illusion. Vous aurez aussi reconnu la différence entre le vol avec effraction et la fraction comme subtilité politique. [/spoil] ))


11 réponses à “Vers une nouvelle partition de la Belgique ? Je t’aime moi non plus”

  1. « On parle de répercussions internationales, mais nul ballet diplomatique ne se profile à  l’horizon car les pays voisins estiment que les Belges sont après tout capables de s’entendre malgré leurs dissonances persistantes. »

    Eh bien, ils ont tort. Les conséquences d’une partition de la Belgique seraient à  mon sens mortelles pour les nations européennes…

    A nous deux, Paris (chapitre deuxième) est le dernier billet publié par Criticus .

  2. Allez, je ne vais pas laisser croire au reste de mon lectorat que j’ignore les commentaires qui sont déposés. Je vais tâcher de produire une réponse, que même Criticus n’a pas déjà  entendue de vive voix.

    Si j’étais déguisé en flamant rose, voilà  ce que je lui répondrais :

    «Monsieur Criticus,
    Je préfère partager la Belgique plutôt que votre avis. Vous avez tort de penser que réparer cet accident de l’histoire serait meurtrier pour les nations européennes. Au contraire, monsieur, ce serait une victoire pour le peuple flamand et – bien qu’il ne s’en rende pas compte – pour le peuple wallon également. La Belgique ne bat pas de l’aile, monsieur, elle est déjà  le bec dans l’eau et si la Flandre coupait les subsides qu’elle verse à  la Wallonie, la Belgique se noierait dans le torrent indifférent de l’actualité internationale.
    La Wallonie ne nous prendra pas Bruxelles. Le BHV c’est la Flandre, et je rappellerai le caractère temporaire des facilités linguistiques ; c’était bien sûr pour que les Wallons qui avaient choisi d’émigrer dans nos terres aient le temps d’apprendre notre gracieuse langue.»

    C’est du second degré bien sûr ou du thermostat 12 de chez François Pirette. Vous aurez compris que le sentiment d’appartenance à  une minorité lorsqu’il est présent dans l’esprit de la majorité de la population a de quoi faire sourire.

  3. Bon, alors si la Belgique est morte, ce que je ne suis pas loin d’approuver, pourquoi ne pas rattacher la Flandre aux Pays-Bas, ce qui a déjà  été envisagé dans l’entre-deux-guerres et serait cohérent sur le plan linguistique, et la Wallonie à  la France ? Quant à  Bruxelles, elle est déjà  colonisée par l’Union européiste.

  4. @Criticus : et pourquoi pas reconstituer la Gaule ? (« De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves » Jules César). Et puis, tiens, appelons cela l’Europe, Europe qui, comme on le sait, était une princesse phénicienne, et faisons d’une pierre deux coups pour faire plaisir à  notre minus minos zélateur de l’Union Pour la Méditerranée.
    [Tiens, mon gravatar a disparu].

  5. Cher Criticus,
    La Belgique n’est pas morte, je n’ai pas reçu de faire-part. D’ailleurs ce n’est pas souhaitable, il y a tant d’ingéniosité là -bas que d’illustres Helvètes sont inspirés par leurs inventions.

    Chère Gizmo,
    Déposez plainte auprès des autorités gravatariennes au plus vite. Dîtes leur bien que vous l’avez perdu chez un pingouin, et non pas chez un manchot, sinon ils vont croire que c’est encore l’un de ces bandits qui sévit en terre à  délits qui aura fait le coup.

    Sinon, reconstituer la Gaule pourrait-être une aubaine pour le praeses consilii ministrorum Silvius Hurluberlus qui nie être pour quoi que ce soit qui ferait penser à  une recréation de l’empire romain à  travers les plans d’un ancien président de l’UMP qui nous sert un anagramme de son parti politique préféré en guise de projet.

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