Zérologie météorologique


Vous l’aurez sans doute remarqué en dépit du doux climat qui sévit en ce moment dans l’hexagone, le ciel est tombé sur la tête de la Birmanie. Ce n’était pas Toutatis mais le cyclone Nargis qui a tout dévasté sur son passage dans le sud du pays.

Tandis que le bilan s’alourdit et atteint des proportions à  rendre jaloux les plus sanguinaires des hommes de la junte qui auraient aimé être d’humeur aussi massacrante que le temps était maussade ces derniers jours, l’homme le plus qualifié pour aggraver la situation nous démontre à  quel point son talent de zérologue est avéré ((Pour comprendre ce qu’est un zérologue, se référer au lexicon-con-con.)) .

En effet, le général Than Shwé, qui est à  la diplomatie ce que l’autruche est à  la politique – autrement un dit : un type qui s’enterre courageusement dans son bunker en cas de danger – fait mine de ne rien voir. Avec plus de lenteur qu’il n’en faut pour repousser un référendum constitutionnel aux calendes grecques, Than Shwé pourtant de si mauvaise constitution repousse lentement les propositions d’aide occidentales en les menaçant d’aller se faire voir. Et pour cause, c’est tout l’art de ne pas perdre la face, celui de ne pas accepter immédiatement les secours, celui de ne pas avoir appelé à  l’aide internationale mais d’avoir attendu que ce soit elle qui se manifeste. Bref, aussi saugrenu et immonde que cela puisse paraître, le chef de la Tatmadaw ((Le nom de l’armée birmane.)) fait semblant de garder la tête haute au mépris de tout, et maintient le suffrage du mois de mai coûte que coûte ((Sauf dans les régions sinistrées, où l’on votera le 24 mai.)) puisque chacun sait qu’en cette saison on fait ce qu’il nous plaît.

Je me demande néanmoins pour quelle raison, une élection serait plus importante que la survie de la population du sud du pays. Si le résultat ne fait vraisemblablement aucun doute ((En théorie il s’agit d’un oui victorieux, symbole d’un plébiscite populaire à  faire bisquer Omar Bongo le président gabonais. La possibilité d’un vote sanction n’est jamais à  écarter même si à  mon avis voter ‘non’ au projet constitutionnel des généraux birmans pourra être interprété de façon détournée par ces derniers comme une manière de faire croire que les choses sont très bien comme elles sont.)) , alors d’ici deux ans le Myanmar se transformera en un régime inspiré de l’ordre nouveau indonésien avec des parlementaires militaires garantis à  chaque suffrage et un homme des casernes pour président de la république. ((Selon ce que révèle le quotidien d’opposition basé en Thaïlande, the Irrawaddy, les militaires obtiendraient automatiquement un quart des sièges à  la chambre haute (110 sur 440) et à  la chambre basse (56 sur 224). Et cerise sur le gâteau, il faudrait plus des trois quarts des voix pour passer tout amendement concernant la constitution, c’est vous dire si les hommes de la junte font en sorte de gagner à  tous les coups.))

Ce n’est pas pour jaboter, mais si Than Shwé s’amuse à  prendre des mesures ce n’est sans doute pas pour entamer de nouvelles réformes démocratiques bien au contraire, puisqu’à  celles-ci et à  la population il met un point d’honneur à  les enterrer entre quatre planches.

Il n’empêche qu’à  force de dire du mal des zérologues, j’en oublie presque de relever lorsque leurs prédictions s’avèrent justes. En effet, c’est bien la première fois que ces prédicateurs auront réussi à  prodiguer un conseil avisé à  Than Shwé : à  savoir celui d’avoir fait déplacer en 2005 la capitale de Rangoon à  Naypyidaw. Si seulement ils avaient eu plus d’intuition et surtout plus de responsabilité, on aurait peut-être évité cette sombre catastrophe.


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