L’homme à  l’harmonica


Devinez qui a raccroché son téléphone syro-libanais pour se rendre au pays de l’harmonica ? De quel pays s’agit-il ? Trêve de suspense.

Ce n’est pas pour jaboter mais l’harmonica c’est une variante du pipeau, quand on souffle dedans il en sort du vent. C’est sur cet air-là  que la rencontre sino-française va se jouer. Dès qu’il est question d’harmonie, cela ne vous aura pas échappé, il est question de la Chine ((Voici une petite note à  propos de la revue chinoise Chinafrique, que vous pouvez vous abstenir de lire si vous n’avez pas plus d’affinités que cela avec l’idéologie néo-marxiste pékinoise. On sait que les anti-Chinois primaires pensent que les Chinois ne sont en Afrique que pour une seule chose : le fric. Ceci dit, si j’étais rédacteur au sein de cette revue, je ferai quand même attention à  ne pas laisser des coquilles de ce genre qui pourraient laisser penser le contraire. )) . L’acoquinement des deux pays pourrait livrer une sorte de société harmonieuse inédite où ensemble tout devient possible. Mais comme tout se déroule sous un air d’harmonica, comment ne pas non plus avoir le blues ?

Non, ceci n’est pas une chronique titrée «Il était une fois en Extrême-Orient» et est encore moins un eastern noodles ((Parler de western spaghetti ici, même si les nouilles proviennent de Chine, me paraît déplacé. )) , donc il n’y a aucune raison d’imaginer que la rencontre entre le président français et Rougine Tao puisse se faire les yeux dans les yeux avec des bruits de bottes, et ça même s’il est question de lever l’embargo sur les armes ((Mais pas seulement selon cette dépêche ou cet article du quotidien du peuple, puisqu’il est aussi question de fermer les yeux sur Taïwan. Je me demande quelle sera la réaction des États-Unis sur ces deux sujets. )) . Parce qu’au fond, ils ont raison de se méfier l’un de l’autre, et cette première rencontre va nous permettre de jauger la relation future entre les deux protagonistes.

Pour commencer, l’un des deux n’avait pas de scrupules à  outrepasser les injonctions de la Société Protectrice des Animaux en s’occupant de faire taire les lamas du Tibet en 1989, l’année où vous le savez l’on a mis quelques Chinois au placard après un remake oriental de OK Corral et d’un grand coup de bluff en avant à  coups de «Mec, arrête ton char.» . L’autre a plus modestement mis fin ((Sans qu’il y eût d’autres morts à  déplorer que celles de l’élément déclencheur survenu à  Clichy sous Bois. )) aux émeutes de banlieue de novembre 2005 sous les ordres du président d’alors, ce qui est forcément moins impressionnant lorsque les activistes les moins raisonnables aimeraient le porter au rang des Than Shwé, Benito Mussolini ou des Ne Win.

Le déplacement du président français dans l’empire du milieu devrait rapporter à  ses grands groupes un certain nombre de dollars ((Sans aucun suspense vous pouvez lire partout que l’on compte déjà  sur Areva pour l’achat de deux centrales de troisième génération, en attendant que l’on propose la quatrième. Voilà  donc de quoi réduire les émissions de CO2 de nos amis chinois. Remarquez également que Sanofi aura son usine de médicaments pour éviter que la situation ne se grippe, et EDF devrait également être de la partie pour vérifier que le courant passe bien entre les deux gouvernements. )) , et attirer l’œil de Pékin sur la scène internationale comme dans le dossier iranien où certains ont la fâcheuse manie de fourrer leur nez.

Tout les cinéphiles savent que «le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont la bombe et ceux qui la cherchent», et évidemment tout le monde pense que l’Iran appartient à  la deuxième catégorie. De leur côté, les Français se montrent fermes à  l’égard de l’Iran : «Si tu continues de chercher, c’est moi et mes alliés que tu vas trouver.» , et du côté des Chinois c’est plutôt : «Nous, nous avons toujours été favorables au développement scientifique dans le cadre d’une société harmonieuse» . Autant dire qu’il y a un sacré écart à  combler, mais rappelez-vous qu’ensemble tout devient possible.

Tout devient possible comme harmoniser ses relations et parler des droits de l’Homme. C’est sans doute chose plus aisée que de demander à  mademoiselle Rama Yadé de ne pas venir le faire, d’une parce que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et de deux parce que le président peut quand même parler en connaissance de cause. Et aux détracteurs primaires qui pensent que le chef d’État français est incapable d’évoquer ce sujet en Chine, ils se trompent. Il lui est absolument possible de parler avec monsieur Roux de la façon dont les droits de l’Homme sont bafoués en Birmanie.

Il faut dire que les Chinois sont préoccupés par le dossier birman. On peut même dire qu’ils s’en sont préoccupés lorsqu’ils ont découvert qu’ils partageaient la même méthode radicale pour étouffer les mouvements estudiantins. En quelque sorte, Pékin avait harmonisé ses méthodes sur celles de Rangoon d’une année sur l’autre, de la même façon qu’ils ont harmonisé les voix dissonantes sur la ligne officielle. Depuis 1989, la République populaire de Chine a su prévenir tout autre débordement sur la place de la porte de la paix céleste en coupant l’herbe sous le pied à  ses détracteurs, c’est vous dire si les dirigeants chinois ont travaillé d’arrache-pied sur la question.

Pour conclure, je vous avouerai qu’un autre président avait tenté de s’aligner sur les difficiles harmonies chinoises, et que pour cela ses collaborateurs usèrent d’innommables contributions pour ne pas parler de dessous de table, et enfin qu’il eut recours à  une méthode de travail respiratoire polonaise du nom de Lewinsky. Cela ne fut pas sans conséquence sur son mandat et sur sa propension à  haleter plus que de raison «Argh, Monica» .


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