me disait Jean-Louis au téléphone. Il était coincé à la station d’Auber pas loin de l’opéra Garnier, et commençait à trouver la grève un peu longue. Alors il m’a passé un coup de fil depuis son portable ((Pour mon lectorat belge : lire GSM ; pour le lectorat québécois : lire cellulaire ; et pour mon lectorat helvétique : lire natel. En effet, lorsqu’il parle de portable le Français de France ne fait pas de distinction véritable entre un téléphone et un ordinateur. Toutefois certaines personnes utilisent le mot laptop pour désigner leur ordinateur portable tandis que d’autres emploient le terme de mobile pour parler de leur téléphone portable.)) pour briser l’ennui.
Évidemment, cela peut en surprendre plus d’un, néanmoins je suis un pingouin qui n’hésite pas à employer des technologies de télécommunication qui effraient la plupart de mes congénères. D’ailleurs, cela ne vous étonne pas l’ombre d’une seconde que je sois un pingouin blogueur ? Non ? Tant mieux, c’est que vous êtes vraiment à l’écoute de votre prochain.
Donc, je disais que Jean-Louis était en train de me sonner sous prétexte qu’il n’y avait pas de train, et aussi pour me dire qu’aujourd’hui le métro c’en était vraiment trop. Entre nous, quelle idée lui a pris de vouloir emprunter les transports par un jour de grève ? Vous me ferez remarquer que mon ami n’avait peut-être pas le choix et que sans doute il avait été odieusement pris en otage par les vilains agents des sociétés de transports. Cela dit, ce n’est pas pour jaboter mais : qu’est-ce-que j’aurais bien pu y faire à ses retards de train, moi l’humble pingouin ordinaire que je suis ?
Lui tenir compagnie sous prétexte qu’il n’a rien d’autre à faire que me téléphoner ? Monsieur Jean-Louis ne peut-il pas faire connaissance avec ses compagnons d’infortune ? Et pourquoi veut-il aller à New York avec moi ((Surtout que la semaine prochaine je serai en vacances à Naples. )) ? Pourquoi pas le Pakistan pour y jouer à la bombe humaine comme ce type qui voulait vraisemblablement laisser exploser sa joie en accueillant Benazir Bhutto ? Et pourquoi est-ce que je crache mon venin alors que les petits pingouins sont inoffensifs ? Alcidément, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Vous savez, au fond moi aussi je rêvais d’un autre monde, où il n’y aurait pas de téléphone portable pour sonner au milieu d’une séance de cinéma, ou pendant un rendez-vous galant avec une douce dame oiselle. Je rêvais d’un monde où les imprudents ne conduiraient pas leur véhicule l’air distrait avec le combiné collé à l’oreille. Je rêvais aussi d’un monde sans pauvreté, et puis je me suis rendu compte que personne n’était vraiment riche s’il n’avait pas un peu d’amour à ajouter à son eau fraîche.
En fait ce qui me paraît complètement accessoire pour l’oisif que je suis c’est ce fichu téléphone portable. Il est désuet, il ne sert qu’à me localiser, à me rendre disponible à toute heure. Remarquez ça doit être la raison pour laquelle je le coupe. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour éviter de tomber sur l’un des cinquante millions de Français qui en sont équipés ?
D’ailleurs il paraît que ces téléphones sont dangereux, car ils engendreraient des risques de concert. À ce sujet c’est la cacophonie tant les voix qui s’élèvent sont dissonantes. Alors autant dire que l’on n’est pas près d’arriver à un accord sur la question.
Jean-Louis, lui, m’a assuré qu’il ne risquait rien de ce côté-là parce qu’il s’était séparé de son vieux téléphone il y a plus de vingt ans et que le nouveau était forcément plus propre. Enfin peut-être que tout ce que je raconte n’est juste qu’une illusion ?
5 réponses à “Je rêvais d’un autre monde”
Etre un Jean-Louis, c’est un combat…
Aurais dû lui dire à Jean Louis : Tu as atteint une « dure limite » mais « Laisse tomber » et « oublie ça ». Le « métro c’est trop » galère, « pourquoi n’essaies-tu pas » d’utiliser « juste un autre genre » de moyen de transport, « prends ce que tu veux » un vélib ou même un « taxi las » à la rigueur.
Je me suis contenté de raccrocher en lui disant : «Voilà c’est fini.» 😉
J’ai peur que mes propos se soient perdus dans l’hygiaphone. Jean-Louis = qui vous savez, combat = kampf… Toutes les stations de métro ne s’appellent pas Guy Môquet…
Chère Gizmo, que dire sinon que sur ce coup-là vous aviez fait très fort !
Oui c’est très fort de parler d’Auber sans Villiers.