Happée.


Happée.

Il y a un an déjà  qu’une voix dans un océan d’autres media s’éteignait à  cause d’un assassinat ignoblement prémédité. Cette voix qui couvrait ce silence absolu que des hommes entendaient garder, cette voix était celle d’une femme.

Ceci est une chronique qui opte pour la facilité nécrologique et la bassesse d’un hommage dont cette personne n’a que faire depuis l’endroit où elle gît.

Ce n’est pas pour jaboter mais ne trouvez-vous pas qu’il soit ironique que ce soit une femme qui se soit évertuée à  dénoncer les atteintes aux droits de l’Homme dans des régions dont le nom suffit à  donner des sueurs froides au moindre militaire dépêché sur place ?

Vous me l’accorderez, il n’y a pas grand monde à  vouloir ou oser se rendre en Tchétchénie. Et pourtant cette personne l’a fait pour découvrir ce qui se tramait sur place. Lever le voile de l’ignorance, faire la lumière sur ces zones d’obscurité qui ne s’arrêtent pas moins d’exister dès lors que notre attention s’est portée ailleurs.

Depuis l’hexagone, la Russie et la Tchétchénie encore plus, me paraissent éloignées. Je dois dire qu’à  vol de pingouin c’est plus court et moins risqué que par l’Aeroflot, mais il y fait un froid de canard. Remarquez mon cher lectorat, quoi de plus normal dans une contrée où l’on s’amuse à  refroidir ceux qui justement travaillent pour un canard ? Les farcir de quelques balles, pour des gens comme moi c’est ce qui s’appelle avoir du plomb dans l’aile.

Happée, telle qu’elle le fut, dans un tourbillon de raisons obscures qui l’ont emportée dans l’au-de-là  devrait nous rappeler que le métier de journaliste est respectable. C’est une question de cran, et il n’y a pas de doute sur le fait qu’elle avait su se classer au dessus des autres. Et cela représente un sacrifice énorme lorsque l’on est soi-même une mère de famille. Cela force le respect, enfin au moins le mien. Et ne me faîtes pas croire qu’en dépit d’un nom désespérément slave, que vous, vous l’avez oubliée.

Anna Politovskaïa (30-08-1958 / 7-10-2006)


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