Je me rends compte, mon cher lectorat, que je parle peu, voire très peu, ou carrément trop peu de ma personne. J’ai beau dire que je suis un pingouin ordinaire, je n’ai jamais dévoilé les origines de ma venue en France. Il est temps d’y remédier : sans aucune considération géographique, économique ou géométrique, sachez qu’en dépit d’apparences trompeuses les pingouins se gardent bien de s’installer dans l’hexagone.
Au mieux, ils passent l’hiver près des côtes bretonnes, mais y trouvent le climat si détestable qu’en règle générale, à l’instar de l’un de mes amis, qui en connaît un rayon sur la question, ils s’exclament d’un trait : «La Bretagne ? Compas sur moi pour m’installer là -bas. Jamais de la vie ! Vaut mieux prendre la tangente que de s’installer là -bas.» . Vous l’aurez compris, les alcidés y sont diamétralement opposés. La plupart d’entre eux adoptent un comportement obtus dès qu’il s’agit de questions d’ordre climatique, il devient alors inutile de chercher un compromis ou de se donner la peine d’arrondir les angles.
Tout ceci c’était pour vous dire que les Bretons sont des gens bien droits dans leurs bottes (ne me faites pas croire qu’il n’y a pas besoin de porter autre chose que des bottes aux pieds dans cette région). Vous remarquerez qu’en Bretagne, la plupart des toponymes ou des patronymes comportent la particule Ker, et que la plupart se terminent par la particule Ec (( Par exemple : Miossec, Le Pennec, Laennec, Cloarec, Nedelec, Comelec, Supelec, 5à sec et bien d’autres. Rayez la ou les mention(s) inutile(s). Notez également que certains cumulent non seulement Ec mais aussi Ker à l’instar de Kermarrec. )) . Donc lorsque je dis que les Bretons sont faits d’Ec et de Ker, ce n’est pas une blague.
Non mais sans déc’, je n’ai rien contre les Bretons, qui ont des chapeaux ronds, vivent les Bretons ! Je préfère être contre les Bretonnes, car elles sont polissonnes, vivent les Bretonnes ! En dépit d’un climat météorologique peu clément à leur égard, de par leur drapeau monochrome les Bretons méritent toute ma solidarité, surtout lors des marées noires.
D’où votre interrogation et votre désarroi le plus grand face à cette décision qui m’a mené à venir résider aux pays des droits de l’Homme en dépit de mon appartenance au monde animal. Mais oui, pourquoi Monsieur Pingouin vous faire tant de mal ? Vous avez raison, pourtant sachez que je n’ai rien à craindre pour la représentation de mes droits puisque je n’ai rien d’un réfugié politique, sinon j’aurais opté pour un pays où les animaux y auraient eu plus de valeur que l’homo sapiens. Par exemple la Corée du Nord, mais c’est seulement une considération d’ordre alimentaire, donc je préfère m’abstenir de me rendre dans ce genre de pays.
En fait, ce n’est pas pour jaboter mais si j’ai préféré le climat bien tempéré de ce pays de râleurs nés, c’est pour pouvoir y aller de concert avec eux envers et contre tout. A les voir tempêter pour un oui ou pour un non au référendum, ou pour d’autres élections, je mourrais d’envie de faire comme eux. Et pour tout vous avouer, jamais l’apprentissage d’une langue étrangère eut été aussi facile. En France, il suffit de médire d’autrui pour bien s’entendre ! Aussi, je ne vous le cacherai pas cher lectorat de France et de Navarre : vous figurez parmi les champions mondiaux de la complainte tout azimut, et ce n’est pas pour déplaire à un jaboteur de mon espèce protégée.
En revanche en France, il faut absolument éviter de dire du mal du pays sans quoi l’on se heurte à un nationalisme farouche : par exemple, prenons Philippe de Villiers, ou encore l’actuel Président de la république s’exprimant il y a un an face aux nouveaux adhérents du parti pour lequel il était candidat. Prenons donc ces deux hommes politiques par la main et demandons-nous ce qu’expriment-ils sinon un sens exacerbé de leur amour pour la France ?
Je suis d’accord avec eux, et ne suis apparemment pas le seul ; toutefois depuis que je sais râler dans la langue de Molière comme chacun dans ce pays, il est inutile de vous dire qu’il est hors de question que je quitte la France : je l’aime trop, et puis si vous suivez ces chroniques depuis le début vous savez parfaitement que je suis très attaché à mon amie Marianne.
En fait j’aime tellement la France que je me permets de dire du mal d’elle juste comme ça pour l’enquiquiner un peu, mais c’est parce qu’elle et moi sommes intimes. D’ailleurs, je ne vais pas m’empêcher de jaboter à nouveau : dîtes moi comment pourrait-on s’y prendre pour me faire quitter le territoire ? Sans rire, comment feriez-vous cher lectorat pour m’interdire l’accès à cette contrée que vos ancêtres les Gaulois ont foulé de leurs pieds nus ? Oseriez-vous prétendre qu’il est possible d’aller contre les lois de la nature ? Vous pensez sérieusement que m’expulser ou me reconduire à la frontière serait suffisant ?
Hé bien allez-y, ne vous gênez pas pour me faire quitter la France, mais de vous à moi ce serait bien la première fois que l’on empêche un oiseau migrateur de migrer… Même avec les épizooties de grippe aviaire et le danger que cela représente vous n’arrivez pas à enrayer les flux migratoires. A moins que ce ne soient vos canons qui soient enrayés lorsque vient le temps de la chasse, pendant lequel à vôtre grand dam je me fais un plaisir de vous rappeler que l’on ne tire pas sur une espèce protégée. Franchement, sur ce coup-là , immigration zéro ou choisie, votre politique a du plomb dans l’aile. D’ailleurs, ce n’est pas pour cafter mais bel et bien encore pour jaboter : comment va s’y prendre le ministre Hortefeux pour atteindre ses objectifs à présent qu’il manque de Bulgares et de Roumains, protégés depuis le début de cette année par leur entrée dans l’Union européenne ? Je n’aimerais pas être à sa place, mais qui sait ? Peut-être partagera-t-il ces propos d’un autre Président de la république, qui représente mon état d’esprit à l’heure où j’écris ces lignes, un certain comte de Mac-Mahon qui était de lointaine origine étrangère pour ne pas dire irlandaise : «J’y suis, j’y reste.» .
5 réponses à “Un pingouin en France”
Votre description de la Bretagne m’incline à penser que vous ne vous êtes pas installé en France, mais à Paris.
Probablement oui, encore que lorsque je viens en Bretagne il n’y pleut jamais, mais seulement sur les individus en bottes et cirés jaunes, qui eux à vrai dire l’ont vraiment bien cherché ;=)
Cela dit, mes amis bretons disent eux-mêmes qu’il fait beau plusieurs fois par jour, je suppose qu’ils doivent subir de temps à autres des variations dans le climat.
Pour rétablir l’équilibre, je devrais ressortir quelques clichés sur la vie parisienne.
Edit : Le raisonnement scientifique de l’article est implacable, je vais donc en Bretagne en dehors de la saison estivale et des week-ends.
Je découvre ce blog avec mon café du dimanche matin…métaphores, ironie, finesse et second degré, inutile de dire que je reviendrai! 🙂
Bonjour Monsieur Pingouin,
Vous avez commenté récemment un article de Criticus. Dans ce cas, traditionnellement, je propose au commentateur un échange de liens. Qu’en dites-vous ?
Chère RoseNoire,
j’espère que vous n’avalerez pas de travers car ce blog au petit déjeuner est à consommer avec modération. Mais que cela ne vous empêche pas de revenir.
Cher Criticus,
j’en dis que c’est chose faite. Je pense que l’on peut dire que la situation est déliée.