En voie de disparition


Dans le monde animal certaines choses ne vont plus. Ces derniers temps on ne parle que de l’ourse Franska, de l’abandon des animaux domestiques ou du défunt du yang-tsé. Ah, pauvres bêtes que nous sommes. Tout ça me rappelle ce que disait ce précurseur de l’école réaliste des relations internationales, Scipion Emilien, qui en voyant Carthage défaite craignait d’y reconnaître la future chute de Rome. J’aurais presque envie de reprendre ses impressions (( Scipion Emilien aurait cité ces vers de Homère : « Il viendra un jour où la ville sacrée de Troie et le vaillant Priam et son peuple périront. » )) et de les détourner en affirmant sur un ton lourd et grave qu’un jour, oui qu’un jour, ce sera le tour de l’Homme.

Ce n’est pas pour jaboter, mais entre nous ça me ferait du chagrin de voir disparaître l’objet de la plupart de mes chroniques. J’admets volontiers que les Hommes me sont au demeurant très sympathiques, même si je préfère les femmes qui comme les lionnes aiment rougir de plaisir.

Pour devenir un peu plus sérieux, je connais des hommes qui sont rouges et qui sont du genre à  vous coller une peur bleue. En dehors de Kim Jong-Il quand il ne fait pas des scènes de ménage ou des scènes nucléaires, on peut dire que Roux Jintao est l’incarnation du péril jaune.

Monsieur Roux élève dans la grandeur tout un peuple qu’il n’a de cesse de servir ((«Servir le peuple» était la devise du Parti communiste chinois pendant la Révolution Culturelle.)), et les diététiciens les plus critiques à  l’égard de son régime se demandent bien à  quelle sauce.

Roux Jintao, contrairement à  Michel Daerden, ne prête pas à  rire. Rougine Tao est un sanguin. Cela n’étonnera pas grand monde si j’affirme que son sang ne fait qu’un tour en présence de cette espèce en voie d’extinction que sont les lamas du Tibet. Cela revient à  dire que les dirigeants communistes Chinois n’aiment ni les moines, ni les animaux. Ce qui est faux bien entendu, surtout si ces derniers se retrouvent dans leurs assiettes entre deux baguettes et un bol de riz.

A la tête de sa grande nation, monsieur Roux veut éblouir le monde entier en organisant l’année prochaine les jeux olympiques de Pékin et l’exposition universelle de Shanghaï en 2010. Ce devrait être sans doute deux des plus belles opérations de communication de ce régime communiste depuis les incidents de la place Tian’anmen il y a maintenant, combien de temps déjà  ? Ha oui, dix-huit ans. C’était il y a déjà  dix-huit ans ; autant dire que ce secret de police chinoise a atteint sa maturité, et qu’il serait bien dommage d’attendre son vingtième anniversaire pour l’officialiser.

En tout cas, il y a bien un édifice dont on pense qu’il risque de faire plouf d’ici que Roux Jintao l’inaugure en 2009. Il s’agit du barrage des trois Georges, en l’honneur de Gheorghiu-p’ti’-Dej par affinité avec le stalinisme orthodoxe matinal, Georges Marchais par amour de ceux qui vont de l’avant en faisant de grands bonds, et George Profonde parce que lorsqu’il y a des fuites en cascade, il vaut mieux s’y connaître en watergate. Evidemment ce n’est un secret pour personne non plus, George Bush père et fils déplorent ne pas avoir été retenus, ce qui est dommage, car comme disait si bien Mao Tsé Tung qui lui non plus n’aimait pas les manchots : «Un Bush à  nourrir, deux bras de plus pour travailler.» .

Juste comme ça, entre nous cher lectorat, pourquoi a-t-on construit ce barrage ? Voyons, il n’y a pas lieu de faire de barrage en Chine, puisque le parti sait bien qu’il n’existe pas d’opposition possible. Sauf peut-être celle des poissons pour qui cet immense ouvrage devrait sonner le glas. D’avance, et par sympathie pour ceux d’entre eux qui tomberont dans les mailles des filets des pêcheurs, je respecterai leur choix d’obsèques silencieuses : cent fleurs, ni couronnes.

Quand j’y pense, je crois qu’en Chine le panda est vraiment le seul animal qui soit plus respecté que le lama, le dauphin et le dissident politique. En ce qui concerne le pingouin, je ne sais pas, je préfère ne pas m’aventurer dans ces contrées sauvagement omnivores. J’estime prendre assez de risques comme ça en jabotant honteusement et lâchement à  des dizaines de milliers de kilomètres de Pékin, ici au chaud dans mon petit nid douillet au pays des droits de l’Homme et du petit pingouin, pendant que d’autres, presque environ un milliard et demi d’individus pour ne pas les désigner n’ont pas cette chance. Mais comme tout le monde, finalement, je n’ai pas envie de disparaître, alors je me fais tout petit en espérant passer inaperçu juste pour ne pas me faire taper dessus au lieu de me mettre en avant.

Au terme de ma chronique, vous avez peut-être envie de me taxer d’anti-chinois, c’est faux bien entendu. J’aime beaucoup les Chinoises et les Chinois, surtout les chinois parce que j’en ai toujours un qui me sert dans ma cuisine. Et dîtes-vous bien que Monsieur Pingouin même s’il divague, ou pire si vous croyez qu’il vous mène en bateau, à  force de parler de la Chine il finit par dix-jonques-thé.


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