Si la précédente chronique avait la guerre pour thème, celle-ci en revanche n’a guère de motif. Elle n’est que prétexte à rire, même si c’est à mes dépends au cours d’une expérience négative. En effet, n’en déplaise à Carrefour et à Jean-Pierre Raffarin, je suis négatif, c’est dans mon caractère antagoniste et pessimiste.
Mais laissez-moi développer : tout a commencé lorsque je fis une rencontre au cours d’une expo-photos sur le Mont Olympus en Grèce. Cela s’annonçait pourtant divinement bien, puisque l’humble animal monochrome, que je suis, croisa une femelle pingouin qui me fit alors voir la vie en rose.
Je pourrais vous décrire cette belle alcidée, mais vous ne comprendriez pas grand chose à l’attirance des alcidés les uns envers les autres. Tout ce que je vous dirai c’est qu’elle n’était pas le genre de poulette qui fait : « Kod, Kod, Kod, Kodak ! ». Bien au contraire ! Elle était loin des Canon de la beauté, mais elle avait du cachet, de celui qui vous apporte l’ivresse. C’était une brillante personne qui illumina ma journée d’une lumière loin d’être artificielle. Je vous le livre sur papier : elle me fit forte impression. Autrement dit, je venais de flasher sur elle.
Je n’avais plus alors qu’un seul objectif en vue : prendre cette dame oiselle en photo, ou mieux, la prendre sous mon aile en l’invitant à se faire une toile ; mais là , c’était moi qui me faisais des films.
Il fallait que je prenne mon courage à deux mains : pas question de rester à l’arrière plan, ni de rester dans l’ombre. Je devais aller au contact, car telle était l’épreuve que je devais surmonter positivement. Pas facile, donc, pour quelqu’un qui se revendique comme négatif. Mais que d’émulsions en perspective !
Devant un chef d’oeuvre qui pâlissait face à sa beauté, je l’abordais timidement en espérant que vienne le déclic.
J’espérais entamer avec cette inconnue une romantique et mystérieuse histoire d’amour du genre polaro-idyllique. Ca tombait bien, je venais de justement de repeindre ma chambre noire en jaune ; bien des mystères pourraient y naître, n’en déplaise à Rouletabille.
Quelques petites phrases d’approche, un sourire franc en la regardant dans le fond des yeux, et l’instant d’après les présentations étaient faites. Seulement là , j’eus besoin d’une mise au point, ou plutôt je la fis tout seul lorsque madame Iris Guillemot de Troïl ((Nom d’une famille d’alcidés)), comtesse du Diaphragme, eut ce détail révélateur en réajustant la bague qu’elle portait au doigt. Oui, c’était bien le mot ‘Madame’ qui me gênait. Elle n’était plus ma dame oiselle, mais celle d’un autre. Pourtant j’aurais juré avoir une ouverture avec Iris, ne serait-ce qu’une toute petite.
La profondeur du chant que j’entendais adresser suavement à son intention, tomba aussi vertigineusement qu’une condamnation sans appel. Alors qu’elle m’avait mis l’eau à la bouche jusqu’ici, il fallait que j’accepte désormais ma défaite sans condition et que j’aie le bon réflex : savoir me tenir en toute circonstance. Malheureusement, cette nouvelle me rendit malade comme chien et m’affubla d’un comportement cabotin.
Ouaf ! Ouaf ! C’était raté, voilà que j’aboyais ma douleur. Je jappais d’abord intérieurement, mais j’eus encore plus de peine à me contenir lorsqu’elle voulut me présenter son mari.
Ce fut instantané, il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que je ne pourrai pas l’encadrer avec ses cheveux gras et ses pellicules. J’eus pitié pour la noble oiselle qui l’avait pris pour époux quand moi je l’aurais franchement pris pour un con : c’était le genre de type sur qui il n’y a guère besoin de faire un zoom ou de porter des verres à triple foyer pour se rendre compte qu’il se comporte en macro. Autant de remarques que vous pourriez prendre comme accessoires, cependant je suis formel : il n’y avait pas photo, en plus d’un sérieux coup dans le nez, ce type là avait un grain. Et ce n’est pas pour cafter, mais il n’était vraiment pas net, et croyez-moi je ne suis pas du genre à me laisser flouer. Il était en contraste total avec ma noble rencontre de ce soir.
Non pas que je sois quelqu’un d’obtus, mais cette nuit-là je n’étais pas d’humeur à arrondir les angles, et puis je n’ai jamais été très anglophile avec les angulés de son espèce. Je lui aurais volontiers montré la différence entre déclic et des claques, si ma chère mère ne m’avait appris à me tenir en bonne société.
Je proposai plutôt à cette chère Iris, à qui je faisais de l’oeil, de faire bande à part afin de ne plus souffrir l’insipide bobine de son épouvantail de mari.
J’espérai qu’elle prit pour prétexte, sans en faire tout un plat, la perte d’une de ses lentilles afin de s’éclipser pour mieux s’isoler en ma galante compagnie. Je me pris de nouveau à rêver qu’elle puisse le tromper de l’oeil, du bout des lèvres et si possible autour de mon cou.
Hélas ! point de ligne de fuite à l’horizon. Iris ne vint pas me rejoindre. Son compagnon en état d’ébriété, qui se vantait d’être le phénix et l’hôte de ces lieux, s’agrippa tant bien que mal à elle, et lui resta dans les pattes jusqu’à la fin de la soirée. Sans même que je puisse lui glisser un billet, je ne pus revoir cette alcidée des plus désespérées, et quittai la soirée grisé par ce triste spectacle pauvre en couleur.
J’ai beau être dépité, dans ces cas là je vais voir mon petit python, qui s’appelle Brian, et qui m’aide à voir la vie du bon côté. Parce qu’au fond je suis négatif, mais Konica qui mal y pense : en règle générale, je trouve quand même bien plus mal lôti que moi. Ce n’est pas non plus Leica tombe, il ne faut pas pousser. Alors s’il vous plait, je vous en prie.