Je reprends donc ma chronique dernièrement interrompue, je fouille mes notes de bas de page. Où en étais-je rendu ? À Téhéran ? Ah non, elle n’arrive pas avant le septième paragraphe celle-là ((En effet, bien que vous ne vous en rendiez pas nécessairement compte à l’instant où vous lisez ces quelques lignes minuscules. Il faut bien vous l’avouer : vous vivez en exclusivité et pour la première fois sur un blog un détournement d’attention orchestré par un auteur mal-intentionné, diplômé en terrorisme zygomatique. En vous incitant à cliquer sur cette note de bas de page, vous êtes l’otage d’une sombre manigance à l’égard du mot piégé Téhéran et êtes utilisé pour tester à votre insu les effets d’une blague à retardement. Si vous êtes bloqués, cliquez ici ou sur la flèche à la fin de ce discours militant car dans sa mansuétude la plus grande, le mouvement pingouin de libération a décidé de ne pas faire de vous un martyr.)) . Ah voilà , je m’y retrouve ! Donc, je disais que les bonnes choses comme les guerres ont une fin.
Et c’est tant mieux, car s’il y a bien une chose dont l’on aimerait vraiment se passer ces derniers temps, c’est bien des guerres du golfe. Je tiens à préciser à l’intention de mon lectorat pacifiste et sportif qui lit l’Équipe, que les guerres du golfe n’ont strictement rien à voir avec une partie en dix-huit trous sur un beau gazon aussi vert que les petits pois écossais.
En effet, une guerre du golfe s’apparente plutôt à un sinistre parcours du combattant au cours duquel le soldat ne se demande pas quel fer il va prendre pour sortir la balle du bunker par une brillante explosion, mais qui se demande plutôt comment il va faire pour rejoindre le bunker sans se prendre de balles ou exploser. Dans les deux cas, on réfléchit avant d’armer son tir, et ensuite ça swingue. Comme quoi, il ne faut pas désespérer, il est possible de commenter la guerre avec des termes sportifs. Je suppose que des producteurs d’émissions de télé-réalité pourraient être intéressées par le concept.
Après tout, ce n’est pas pour jaboter, mais il y a bel et bien des exécutions publiques, alors pourquoi pas des guerres sur le petit écran ? En 1990 l’on nous annonçait qu’il serait possible de jouer Koweit-Irak en Nintendo, enfin c’était ce qu’affirmait la fable de Leloup sans le renard. Tout ça pour vous dire, cher lectorat, que la poésie n’est plus à la page.
Et pourtant, ce n’est pas la Perse qui manquait de poètes. Non, il ne s’agit pas ici de jouer cyniquement les Dantons, qui funestement le jour de son exécution déclarait qu’il deviendrait poète en faisant des vers. De même, il ne s’agit pas non plus de verser dans le satanique ((Désolé monsieur Rushdie, celle-là était vraiment trop facile.)) , mais de se laisser bercer par les histoires à dormir debout de l’imaginaire princesse Shéhérazade. Que de clichés, n’est-ce pas ? Je vous l’accorde, je ne peux pas m’en lasser.
En revanche, si je vous dis que l’illustre Homard Khayyam était le premier des crustacés philosophes cartésiens de langue anglaise, je suis certain que cela va vous prendre au dépourvu ; mais ne dit-on point dans la langue de Shakespeare : « I think, therefore Khayyam. » ((« Cogito ergo sum. » ou « Je pense donc je suis. » par René Descartes)) ? On raconte que le philosophe se prenait à rire chaque fois que quelqu’un s’exclamait devant son intelligence : « Pincez moi ! Je rêve ! Un homard qui parle ! » . Évidemment, ce n’était pas pour lui déplaire lorsqu’il les prenait au mot. Et tous ébahis qu’ils étaient, les bipèdes se mettaient à rougir au son de ce qui pourrait sembler être des onomatopées « Hou ! Bah ! Ya ! » mais qui ne sont que les ébahissements du simple mortel devant ce recueil de poèmes du fameux Khayyam. Hé oui, Homard avait du talent et cela n’étonnera personne si je vous dis qu’il en a fait bisquer plus d’un.
Tiens, saviez-vous qu’en dehors d’être un ténor du cartésianisme anglo-saxon, notre ami crustacé avait laissé son nom à la postérité à la faveur d’une rose ? Ce n’est d’ailleurs pas une première pour certaines roses de Damas dont on a détourné l’origine syrienne afin de leur faire porter un nom iranien, fut-il celui de Khayyam ou d’Isfahan. Face à cette abondance de roses, j’ai commencé à m’interroger sur l’éventualité de la présence du socialisme en ces terres lointaines. A cet égard, quelqu’un de malintentionné se faisant connaître sous le nom de code de Shah Rabia, en raison de ses propos incohérents, a autrefois essayé de me faire croire, que le nom de l’actuelle capitale iranienne tenait de l’amitié avec le parti de la rose et son regretté François : « Ben oui, mon petit pingouin, tout le monde le sait ! La république islamiste et la France s’entendent à merveille, et pas seulement en raison de Neauphle-le-Château qui, tu le sais, a accueilli l’ayatollah Khomeiny en exil. Mais oui, mon vieux pingouin, c’est évident ! Tu n’as jamais entendu parler de François, l’ami Téhéran ? »
Vous le voyez, moi-même ne suis pas à l’abri des tentatives de désinformation les plus absurdes qui soient à l’encontre de l’Iran. Cette mensongère personne, m’a également raconté que la capitale de la chirurgie dentaire se trouvait à Hamedan, parce qu’il y mourut le célèbre médecin Avicenne. À moitié roulé dans la farine, ou pas loin de l’être complètement, je me suis mis à imiter le docteur Avicenne, puisque comme lui je suis aux abois, l’œil et le regard perçant, tant je crains que l’on ne me fasse écrire ici des bêtises plus graves que d’ordinaire.
Par exemple, certaines personnes malintentionnées pourraient croire que les propos que je vais tenir sont une incitation à la haine raciale, et pourtant c’est faux, mais je vais le dire quand même : s’il y a bien une chose que les Iraniens détestent, c’est se faire traiter d’arabes. Ce n’est pas pour rien qu’il existe dans le détroit d’Ormuz un port consacré exclusivement aux calembours les plus morbides comme les plus douteux, dont les voisins de l’Iran font les frais. Cette ville se nomme : Bandar Abbas.
Ah oui, ça n’en a pas l’air comme ça, mais rajoutez des choses comme « coiffé de sang », « servi par l’Occident », « stigmatisé par la haine ». Face à ce linceul d’allégations catastrophiques, il est évident que je m’insurge. Ma seule réponse cohérente de pingouin ordinaire c’est de leur proposer de passer à l’action afin d’obtenir ceci : « Bandar Abbas agit », et de là les Perses se mettent à considérer que les Arabes sont devenus aussi sages qu’eux-mêmes. Étonnant, non ?