Sans prophétiser ou m’inspirer de l’imam Ali, je dirai que si les Zardari sont loin d’être perdus au Pakistan, c’est parce qu’Asif va gagner la présidence de la république islamique du Pakistan … sans lézard bien sûr. ((Mais pas sans lézarde puisque Nawaz Sharif a coupé en deux la coalition anti-Musharraf le mois dernier.)) Ce n’est pas pour jaboter, mais comme disait un jeune trentenaire qui n’aimait pas rester les bras croisés : «Il faut rendre à ces arrhes, ce qui appartient…» . Mmh, non, il n’a pas dit ça, ceci dit il faut rendre à ces arrhes la monnaie de leur pièce, et arrêter d’en faire tout un cinéma. ((Si vous voulez rendre hommage au sculpteur César, vous pouvez prendre de l’avance sur les commémorations du dixième anniversaire de sa mort qui devraient avoir lieu le 6 décembre prochain, ou mieux : remporter une de ses récompenses si vous exercez dans le domaine du septième art.))
Le PPP a dû faire des petites concessions pour obtenir l’appui de partis à base régionale ((Entre autres l’Awami National Party qui a le plus d’élus dans les territoires du nord-ouest, le Muttahida Qaumi Movement (MQM) au Sindh où le PPP est traditionnellement majoritaire. )) et sait qu’il obtiendra aussi le soutien de certains membres de la PML-Q ((PML pour Pakistanese Muslim League et Q pour Quaid-e-Azam qui était le surnom de Muhammad Ali Jinnah alias le grand caïd. Pour ce qui est des élus PML-Q de l’ouverture, les 19 élus de l’assemblée du Balouchistan accorderont leur préférence à Zardari. Concernant la PML-Q du Penjab certains pourraient aussi voter pour le veuf de Benazir Bhutto mais leurs voix sont revendiquées également par la PML-N. )) , et comme rien n’est jamais désintéressé en ce bas monde, il faudra bien rendre des comptes même sans passer par le jugement dernier. Bref, ce n’est donc plus un secret pour personne, puisque ses adversaires s’apprêtent déjà à le reconnaître.
Mister ten percent sera donc élu demain Président de la République du Pakistan, avec tout ce que cela comporte de difficultés en matière de crédibilité pour un homme qui s’est attiré l’inquiétude des journalistes financiers au sujet de sa santé mentale ((Pour l’article du Financial Times, c’est par là . Ceci dit, je me demande quel aurait été le diagnostic du docteur Folamour.)) .
Se pose alors la question de savoir si ce nouveau président conserve les petits avantages constitutionnels de son prédécesseur ou si comme promis il les fait disparaître. En effet le président-général Musharraf avait fait passer en 2003 un amendement lui permettant de dissoudre toute assemblée fut-elle centrale ou provinciale avec l’accord préalable de la Cour Suprême. ((C’est le controversé 17ème amendement de la constitution entré en vigueur le 1er janvier 2005, au sujet duquel tant Nawaz Sharif que Asif Zardari s’accordaient pour l’éliminer.)) On a parfaitement le droit d’imaginer ce que tonton Pervez avait en tête lorsqu’il déclara l’État d’urgence et ne fit pas dans la porcelaine en limogeant soixante juges issus de la Cour Suprême et des hauts tribunaux de province qui refusaient de prêter serment au nouvel ordre établi. ((Ces mécontents avaient décidé de manifester leur colère dans la rue, et allègrement participé à rendre encore plus impopulaire le régime de tonton Pervez. À leur tête, l’ancien président de la Cour Suprême, Iftikhar Chaudhry n’a cessé de demander leur retour aux affaires. Ces derniers manifestaient encore hier et le 28 août dernier et commencent enfin à retrouver leurs fonctions puisque moins de la moitié d’entre eux cherche à se retrouver un poste.
En ce qui concerne Iftikhar Chaudhry, en revanche, le dossier est un peu plus compliqué. D’une il y a déjà un président de la cour suprême répondant au doux nom d’Abdul Hameed Dogar et à moins d’imiter Musharraf et de le limoger pour le remplacer par Chaudhry ça ne va pas être possible. De deux, monsieur Chaudhry fait partie de ces gens qui aimeraient bien jeter un coup d’œil sur le décret d’amnistie concernant mister 10%, et ça je doute également qu’il le laisse faire. Entre temps, des petits comiques ont rouvert les dossiers de corruption, blanchiment et autres joyeusetés attribuées à Nawaz Sharif et son frère. Le parti de Zardari nie bien entendu y être pour quoi que ce soit, le Premier ministre Gilani affirmant qu’aucune charge contre les membres de la PML-N ne serait instruite par le National Accountability Bureau.))
Vient ensuite la question de la popularité de son combat contre l’insurrection talibane et la compatibilité de celui-ci avec ses alliés régionaux. Cela a pu surprendre, mais en ces périodes de festivités du Ramadan et d’interventions militaires dans les zones frontalières de l’Afghanistan, une trêve a été déclarée … paraît-il pour faire plaisir à la JUI-F ((JUI-F pour la Jamiat-i-Ulema Islami de Maulana Fazlur Rahman et non pas pour l’association improbable des Pakistanais de confession israélite. )) qui a finalement décidé de donner ses voix au PPP.
Cela n’a pas empêché d’odieux Talibans ((Le TTP, mouvement des Talibans :Tehreek-e-Taliban Pakistan. )) de s’en prendre au Premier ministre Gilani, le chef du gouvernement pakistanais, ou du moins de faire mouche sur son automobile qui par bonheur ne le véhiculait pas. Si les choses roulent toujours pour Zardari, la voie qu’il emprunte est particulièrement semée d’embûches pour ne pas dire que le terrain est miné et explosif. Enfin la question que je me pose est de savoir s’il tiendra le coup sans accident de parcours jusqu’aux élections sénatoriales de mars prochain auxquelles Nawaz Sharif, si son éligibilité lui est rendue, fera tout pour obtenir un siège et remonter à bord du paquebot de l’État. État à qui je ne souhaite guère de sombrer et dont j’espère qu’il va cesser de dériver pour s’éloigner du sombre destin que les oiseaux de mauvais augure lui prédisent.