Scié en deux, les Doha dans la crise


Trêve de mélèzes dans la civilisation, cessons de ressasser les marronniers de la rentrée que l’on nous assène sitôt que nous sommes plantés devant nos postes de télévision. Réjouissons-nous du voyage du président de la République française aujourd’hui au pays de la scierie – pardon je voulais dire en Syrie – un État réputé pour sa façon d’administrer des volées de bois vert à  son petit voisin le pays du cèdre. ((Encore que dans le genre rayon végétaux et autres légumes de supermarché un certain A. Sharon s’était spécialisé dans les fruits de la discorde en faisant parler les raisins de la colère.))

Ce n’est pas pour couper court à  la morosité ambiante des ménages dont le pessimisme habituel aux Français semble aller de pair avec chaque déplacement de leur co-prince d’Andorre préféré, mais pour une fois on peut faire mine de se réjouir. La Syrie va enfin pouvoir se montrer sous un meilleur jour devant certains pays occidentaux qui ont conservé l’habitude de lui faire des remontrances légitimes au sujet des droits de l’homme, quand bien même la Syrie accueille la majeure partie des réfugiés du conflit en Irak. ((1,5 millions de réfugiés irakiens environ en mars 2008 à  comparer avec environ 19 millions de Syriens. En terme d’hospitalité, les Syriens ont mis en place des restrictions de visa en septembre 2007, deux ans après les autorités de Jordanie.))

Il faut dire qu’un peu de reconnaissance la changerait des boycotts saoudiens, jordaniens, yéménites et égyptiens au vingtième sommet de la ligue arabe que la Syrie organisait en mars dernier. ((Que dire du retrait de l’ambassadeur saoudien en février ? Sinon que la Syrie n’est pas en odeur de sainteté dans le monde arabe. On peut se souvenir de l’absence de soutien total de la part des autres pays arabes en septembre 2007 après le bombardement du site d’al-Kibar. Site dont on attend toujours les résultats de l’enquête des experts de l’AIEA que la Syrie a laissé entrer sur son territoire sept mois plus tard le 5 juin 2008.)) Au moins la Syrie aura manifesté plus de bonne volonté à  participer au lancement du projet pour une union méditerranéenne qu’elle n’a su le faire en se rendant à  Annapolis en novembre de l’an passé ((À la conférence d’Annapolis où elle avait posé comme condition à  sa présence que la question du Golan fut abordée.)) , à  la notable différence du colonel Kadhafi dont les sautes d’humeurs lui ont fait oublier avec avec quel engouement il avait été reçu aux pays des droits de l’homme et du petit pingouin. ((Même mon cousin Batrik al-Sideh a dit que «Ci n’itait pas tripoli di sa part.» )) Je gage que Bachar Assad et sa femme Ambre auront su accueillir la délégation française aussi chaleureusement que l’état de leurs nouvelles relations qu’il serait dommage de détériorer. ((Dans les milieux introduits de l’absurdité pingouinière, l’épouse de monsieur Assad se prénomme Ambre et non pas Asma.))

Clinquant comme un accord de paix fraichement signé, le chef d’État français retrouvera aujourd’hui le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, ainsi que l’émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani dont on a pu constater la facilité déconcertante avec laquelle son porte-monnaie convainc les pays arabes de sauver le Liban. Ce n’est une surprise pour personne si je dis que le Qatar a sauvé le Liban ((La situation au Liban s’est débloquée après le coup de force du Hezbollah et les accords de Doha du 21 mai 2008.)) les Doha dans le nez. ((Mieux qu’un coup, essayez le Doha dans le nez.)) En effet, ce n’est pas pour jaboter, mais si la diplomatie du chéquier y est pour quelque chose, il ne faut pas non plus lui attribuer tous les lauriers, sans quoi il y aurait un politicien qui resterait sur sa faim et qui ferait comme l’estomac : c’est à  dire qu’il serait dans les talons. ((Certes, la diplomatie du cheikh y est pour quelque chose, mais cela ne fait pas tout c’est son cousin de Premier ministre et ministre des affaires étrangères qui y aurait le plus donné de sa personne. Quant aux talons que je ne saurais tourner ou détourner, ils peuvent être ceux du chèque mais j’aime bien m’imaginer que c’est de l’étalon or qu’il s’agit puisque l’or est un grand facteur d’équidé. Une parole d’oiseau ne dit-elle pas : «Mon manège à  moi, c’est Doha.» ?)) Vous l’aurez compris c’est un appel du pied pour mieux aller de l’avant.

Comme ne dirait certainement pas le premier ministre libanais désenchanté Fouad Siniora Castafiore : «Ah, Syrie de me voir si belle en ce mouroir !» . Foud Siniora chanterait plutôt quelque chose comme ce refrain : «Oh Syrien tu t’affoles ! Et moi j’aime encore mieux ça, j’adore ça, car c’est vraiment Doha, non rien d’autre que Doha, non rien d’autre que Doha !». ((Vous aurez deviné que les propos tenus ici sont tirés d’une conversation téléphonique hautement confidentielle entre Bachar Assad et Fouad Siniora.)) Oui, depuis mai dernier, on a vu des choses incroyables se produire comme l’élection d’un président libanais, la visite de ce dernier en Syrie, et la volonté de ces deux pays d’ouvrir des ambassades et de travailler à  la reconnaissance de leurs frontières. Quel monde merveilleux, n’est-ce-pas ? Enfin tout cela est encore en chantier un peu à  l’image de Beyrouth depuis l’été 2006 diront les sceptiques qui attendent de voir des faits concrets, parce que tout cela à  leurs yeux se résume à  de belles promesses pour ne pas dire des songes si l’on devait croire les plus désabusés d’entre eux.

Dans un monde où la paix et la concorde ont tant de mal à  se faire entendre, il serait en tout cas dommage de ne pas vouloir croire que la France veuille exhorter la Syrie à  se réconcilier avec le Liban et à  reprendre des pourparlers de paix avec Israël, même si sur la question précédente on aura bien compris que la Turquie était sur le coup bien avant et que l’oncle Sam sera le seul véritable garant d’un processus de paix israélo-syrien. ((C’était une demande de Damas au sujet de la reprise de négociations directes avec Tel Aviv. Dans une interview accordée en juillet à  RFI, le ministre des affaires étrangères syrien Wallid Mouallem affirme que les négociations avec Israël via la Turquie étaient possibles parce que le premier ministre turc avait confirmé la volonté israélienne de se retirer du plateau du Golan. Les inquiétudes que l’on peut avoir vis à  vis de ce processus de normalisation se situent dans le prochain changement de Premier ministre en Israël le 18 septembre prochain et dans la posture qu’adoptera la prochaine administration américaine, l’actuelle ayant été plutôt favorable à  ce que la Syrie reste encore en isolement.))

Alors ne comptons pas trop vite sur la Syrie pour se soustraire à  son amitié avec l’Iran, laissons la plutôt prouver qu’elle ne mérite plus toute l’opprobre et les sanctions à  son encontre. ((La Syrie est considérée par les États-Unis comme un joyeux sponsor du terrorisme qui regarde d’un œil étonné le fait qu’elle héberge des groupes palestiniens qui ont du mal à  reconnaître la réalité d’Israel. La Syrie fait l’objet de sanctions également pour son ingérence au Liban.))  Soyons plutôt heureux de voir qu’elle et Israël peuvent reprendre ce qui a échoué il y a huit ans déjà . ((La Syrie avait renoncé à  la poursuite des négociations en janvier 2000.)) Je préfère ne voir aucun des participants reprendre les armes, d’ailleurs entre nous mon cher lectorat, je sais de source sûre que les Syriens sont réputés pour leur talent d’orfèvre concernant les armes blanches dont on vante encore aujourd’hui le damasquinage. J’irai même jusqu’à  vous dire que les Syriens ont également fait des émules dans l’hexagone. En effet, les généraux de Damas – que leurs noms soient sanctifiés – ont fait autorité paraît-il jusqu’en France où ils ont fondé une grande école, pourvoyeuse d’hommes des casernes à  la pelle ((Ou devrais-je plutôt dire, répondant à  l’appel ?)) que l’on surnomme les Saints Syriens ((À moins que ce ne soit Saint Cyr… dès qu’il est question de militaires mon esprit a souvent du mal à  se mettre au pas.)) . Alors si les saints syriens veillent sur la conférence quadripartite d’aujourd’hui et que la diplomatie cathartique ((Est-ce le bon adjectif pour la diplomatie du Qatar ?)) purge les mauvaises ondes alors il y a de bonnes chances pour que celle-ci se déroule sous les meilleurs augures.


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