Je ne remercierai jamais assez Giangiacomo pour avoir déformé avec son accent italien sa volonté exprimée en langue française d’empêcher tout ce qui pourrait causer préjudice à la région du Kosovo. C’était il y a maintenant trois ans, et le simple fait de citer cette phrase provoque en moi l’hilarité.
Ce n’est pas pour rien que je pense que le Kosovo indépendant est un sujet qui devrait prêter à rire plutôt qu’à semer la pagaille dans la presse. D’abord parce que j’aime bien demander à mes amis des choses comme «Hé, coco, ça va ?», ensuite parce qu’un pays qui porte le nom de champ des merles ((Traduction littérale de Kosovo.)) ne peut être que moqueur. Et comme vous le savez, le mot cœur se rit de tous les maux.
Le Kosovo fait l’objet de disputes nationalistes entre Serbes et Albanais qui prétendent qu’il s’agit du berceau de leur nation. C’est vous dire s’ils ont su faire le lit d’évènements cauchemardesques qui ont mis de nombreux bipèdes dans de beaux draps. Je ne ferai pas dans la dentelle, mais s’il y a bel et bien litige concernant ce territoire, j’ai bien peur que ces langes ancestraux ne finissent par être le linceul des hommes qui voudront le prendre ou le reprendre par les armes.
Entre nous mon cher lectorat ce n’est pas pour jaboter, mais si le Kosovo est le berceau de ces deux peuples j’aimerais mieux qu’il devienne sa cour de récréation plutôt que son cercueil. Plutôt que de laisser chacun s’affronter, l’Union européenne va tout de même déployer du personnel civil ((2 000 policiers et juristes.)) pour assurer le maintien de l’ordre sous le nom d’Eulex que les Suisses peuvent redouter pour peu qu’elle soit aussi ponctuelle que la Rolex. Hé oui, comme disaient déjà les Romains : «Dura lex, sed Eulex». ((À propos de l’Eulex, l’on craignait jusqu’ici que l’un des 27 États membres ne s’oppose à cette décision, en réalité seule Chypre s’est abstenue de participer au vote de l’envoi de la force de maintien de l’ordre.))
N’est-il pas amusant que la France ait aidé à la création et l’indépendance du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes au début du vingtième siècle ((Non sans avoir participé à l’anéantissement en long en large et en travers de l’empire austro-hongrois à la fin de la Grande guerre.)) et qu’au début du vingt-et-unième elle soit de nouveau présente pour en faire de même avec le Kosovo ? ((Même remarque valable pour les Russes qui se firent un plaisir de montrer aux Ottomans de quel bois ils se chauffaient en 1878, et permirent à cette occasion aux Serbes d’accéder à l’indépendance. C’est cette même année que les Albanais comprenant qu’ils avaient aussi leur carte à jouer, fondèrent la ligue de Prizren … au Kosovo.))
Ce Kosovo qui devrait être un État multi-ethnique ((C’est ce que le plan Ahtisaari recommande (Dans son article premier, point un des principes généraux) . Ce même plan préconise l’impossibilité d’émettre des revendications territoriales et l’union à un autre pays ou territoire, sans doute pour faire taire les plus craintifs de ce qu’une grande Albanie pourrait représenter ou encore l’éventualité de voir les Albanais de Macédoine demander un rattachement. (Article premier, point huit des principes généraux) )) , cesserait-il de l’être aussitôt que la minorité serbe au nord du territoire manifesterait sa volonté de faire sécession ou de se rattacher à la Serbie ? ((La bonne question à poser à ce nouveau venu sur la scène internationale est de savoir s’il sera capable en pratique de garantir à ses minorités ce que la Serbie et un certain Slobodan Milosevic lui refusaient en 1989.
En 1974, après la décision d’un généralissime communisant en fin de route répondant au doux nom de Tito, les Albanais du Kosovo obtenaient l’autonomie équivalente d’une république yougoslave sans en être une, considérés alors comme une simple minorité nationale. Ces Albanais, largement majoritaires dans la province du Kosovo, étaient d’ailleurs plus nombreux à l’échelle nationale que les Macédoniens ou les Monténégrins, dont les nations avaient obtenu le statut de république fédérale.))
Alors je sais bien que l’on doit faire attention à ce que cette nation – la Serbie – fait, parce que justement elle s’est rebiffée. Elle promet de ne pas reconnaître le Kosovo, mais c’est une question de bon voisinage à laquelle elle ne peut répondre par l’absence. L’argument d’un traité d’amitié Serbo-Kosovar pour faciliter leur entrée au sein de l’Union risque d’être soulevé. Parce qu’au fond, de quoi auriez-vous le plus envie si vous étiez un habitant des Balkans sinon de paix, de prospérité, de la possibilité d’assouvir vos besoins frénétiques de consommation, et de pouvoir vivre paisiblement sans connaître l’inquiétude et les déflagrations ?
L’Union européenne qui entend jouer un rôle pacificateur et amener les États des Balkans en son sein à terme, à mon avis, proposera à chacune des parties leur reconnaissance mutuelle comme préalable à toute adhésion. Et vous me direz que la Serbie peut très bien ne plus manifester sa volonté d’adhérer au processus communautaire, même si toujours de mon avis, les Occidentaux feront valoir une politique de portefeuille profitable et susceptible de regagner les cœurs serbes.
Sinon je parie que les plus cyniques souligneront qu’un Kosovo indépendant est autant de territoire en moins à développer pour la Serbie que si le Kosovo était resté une province de cette dernière. Ce n’est plus vraiment son affaire depuis la fameuse résolution 1244 ((Résolution du conseil de sécurité établissant une présence internationale civile au Kosovo.)) , même si cela ne l’empêche pas d’essayer de retenir la province dans son escarcelle alors qu’il est évident que la volonté des Kosovars albanais est de se séparer de la Serbie, et que huit années de dialogue ont abouti à l’impasse actuelle. On pourrait donner une morale bien cruche à cette histoire en concluant par «Tant va le Kosovo, qu’à la fin il se casse».
En tout cas l’indépendance du Kosovo n’a pas fini de faire couler de l’encre, et je n’ai sans doute pas fini de rire des réactions sur le sujet. Sinon j’ai une petite devinette pour lecteur / lectrice d’irréductibles gaulois paumés dans un village : Quel est le point commun entre la sculpture et le Kosovo ?
3 réponses à “On ne se touche pas le Kosovo !”
Trop forte la citation de Giangiacomo!!! Je crois définitivement qu’elle restera celle-là !!!
Chère Pasc,
Je t’avoue qu’il avait vraiment fait fort. D’ailleurs je n’ose même pas imaginer à quelle partie de nôtre anatomie le Kosovo pourrait s’identifier.
N’empêche que si Giangiacomo avait dit : «On ne se douche pas au Kosovo», je crois que quelqu’un aurait fini par rétorquer quelque chose du genre : «Mais non, les Yougos se lavent !».
:)))) Elle est bonne!