En France, où je continue d’apprécier le beau temps et la fraicheur ambiante, le débat identitaire s’est quelque peu essoufflé au profit d’un pays ébranlé par les manifestations parkinsoniennes de notre bonne vieille terre. Pourtant cette initiative issue d’une Union pour un mouvement populaire ne semblait pas manquer d’air, puisqu’elle avait “ outre le président de la République – pour la soutenir le controversé ministre ex-socialiste Éric Besson. Ce n’est pas pour jaboter, mais s’il est question ici d’un homme issu de l’ouverture, il ne faudrait pas oublier qu’il est capable de faire preuve de fermeté.
Depuis quelque temps, la belle Française et son râleur de Français moyen le voient s’époumoner un peu partout : que ce soit dans l’intimité du service public sur un écran plasma géant en tête à tête avec une personnalité d’extrême droite, ou bien en train d’essayer d’étouffer la validité des requêtes de demandeurs d’asile échoués en Corse ((En les envoyant d’abord dans des centres de rétention sans passer par la case dépôt d’une demande ! On avait bien compris que ces individus demandaient l’asile, mais de là à les prendre au mot et leur procurer illico les joies de l’internement de force, il y a de quoi jaser sur le fait qu’en France on ne lésine pas sur le sens de l’hospitalité. )) tout en nous rappelant la nécessité de protéger un espace de libre circulation en faisant respecter nos frontières. ((Circuler librement dans nos frontières est une formule tellement superbe qu’elle semble exprimer le même genre de liberté de mouvement que possède une vache dans son enclos. )) J’ose imaginer que c’est en vertu de ces bons offices qu’il est possible de dire qu’en Corse les demandeurs d’asile ne courent pas les rues.
Avec son nom et son visage reproduits un peu partout, il n’étonne plus le pingouin ordinaire que je suis de savoir qu’Éric Besson est porteur de plusieurs casquettes : celle du ministre de l’intégration, celle du ministre de l’immigration, celle du ministre du développement solidaire et enfin celle du ministre de l’identité nationale. J’en conclus qu’Éric Besson est un homme de têtes ((Ou devrais-je plutôt écrire un homme de tête.)) à moins que vous ne vous laissiez séduire par ma pingouinière formulation qui consiste à dire qu’il incarne de fait aujourd’hui l’hydre entêté national.
J’en suis navré, mais lorsqu’un individu devient un peu trop présent médiatiquement, il peut m’arriver de décider de m’en moquer complètement en m’en prenant à son auguste personne. On aura beau dire qu’Éric Besson, en bon hydre entêté, possède plusieurs têtes, la plupart sont à l’instar des personnes qu’il expulse : certaines d’entre-elles ne reviennent pas, pour ne pas dire jamais. D’ailleurs, je tiens tout de suite à préciser que lorsque l’on se paye sa tête, on se doit de toutes se les payer en en faisant si possible un fromage, sans quoi ce travail serait fait à moitié c’est-à -dire tout le contraire de la tâche qu’accomplit Éric Besson quand il fait reconduire à la frontière les individus en situation irrégulière. En effet vous aurez pu le constater, ce n’est pas parce qu’il ferait les choses à moitié qu’Éric Besson s’occupe de la politique mi-grattoir, et encore moins à cause de cela qu’elle est qualifiée de misanthropique, c’est parce que la politique le démange, et qu’il reconduit très souvent à la frontière entre les tropiques du cancer et du capricorne.
En dépit de tout cela, Éric Besson semble n’avoir cure de piquer une tête dans les sondages, il ne craint pas la douche froide, non pas parce qu’il aurait la tête chaude mais comme je le disais plus tôt parce que sa politique ne manque pas d’air. ((À moins qu’il ne faille s’attarder sur l’expression détournée suivante : « Comme un Besson dans l’eau » . Elle pourrait expliquer qu’un Besson du même nom ait produit un film appelé : « le Grand bleu » . )) Éric Besson, qui sait donc où donner de la tête, n’est évidemment pas le premier fonctionnaire à avoir prouvé que l’on pouvait refuser l’asile à des réfugiés d’un pays en guerre et c’est sans sourciller qu’il déclare seulement faire respecter une politique migratoire ferme et juste. Cet homme politique aime tant le travail bien effectué qu’il veut prouver aux Françaises et aux Français, qu’il est un ministre soucieux de l’identité nationale puisqu’il entend poursuivre le débat cette année malgré ce qu’en pensent ceux qui demandent son arrêt.
Malheureusement pour lui, en laissant le débat dériver sur la politique migratoire, cette initiative présidentielle a été attaquée de tous côtés. Puis, il s’est produit un étrange amalgame entre politique migratoire et islam. On a vu surgir alors une forme d’ostracisme à l’égard des pratiquants de cette religion à laquelle s’est ajoutée la votation helvète contre la construction de minarets dont on peut dire que la polémique a pris un drôle de tour. Ensuite, sont venues s’agréger les recommandations de bienséance prodiguées par Nadine Morano à l’attention des jeunes musulmans contre le port inversé de la casquette et la locution intempestive du verlan. ((Ces jeunes doivent déjà savoir tout cela, du moins s’ils ont eu ou ont encore des enseignants et des proviseurs qui les reprennent et qui n’ont pas démissionné devant l’ampleur des dégâts. )) Avec tout cela, il ne me paraît pas étonnant qu’il ne puisse recadrer le débat suffisamment tant il a débordé, ceci dit avec une pareille tâche, il fallait s’attendre à l’étalage brut de nombreuses inepties.
Néanmoins, je dois reconnaître à Éric Besson qu’il possède du talent, non pas pour être par trois fois déjà détenteur d’un prix Busiris, mais parce qu’il sait être un bon fusible au pays des droits de l’ohm tant il fait preuve de résistance face à l’opposition qui réclame sa tête. Cet homme politique est devenu si célèbre par son zèle et son entêtement, qu’il est parvenu à éclipser le nom de son prédécesseur aux mêmes affaires ainsi qu’à faire oublier que cette politique n’était autre que celle de son ami le président de la République avec qui le courant passe très bien. Alors, oui, aujourd’hui encore, la politique identitaire s’exprime par Besson ardent interposé, et j’ai bien peur que cela dure au minimum jusqu’en avril 2012 et même au-delà si les habitants de l’hexagone n’en décident pas autrement. Lorsque l’on fera une faible consommation de ce genre de manières, on pourra sans doute me reparler des lumières (d’espoir) en France. En attendant, veuillez de grâce ne pas me parler de nous éclairer avec la flamme. Nous sommes tout de même au vingt-et-unième siècle et n’avons guère besoin de nous montrer aussi rétrogrades.
Une réponse à “Une chronique dans laquelle vous saurez pourquoi on dit de la politique migratoire de la France qu’elle est misanthropique”
[…] opinions by Francis Lepioufle Je lisais dernièrement un article sur un blog intitulé « Chroniques d’un pingouin ordinaire » : il y va de la possibilité de critiquer ce qui passe dans notre pays, de mettre en dérision […]